Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 12 avril 2011

Les Amants Passionnés - The Passionate Friends, David Lean (1949)


Les amants passionnés étaient amoureux lorsqu'ils étaient jeunes, mais depuis se sont séparés. Elle a épousé un homme plus âgé. Puis Mary Justin revoit Steven Stratton et ils font une dernière folie ensemble dans les Alpes.

The Passionate Friends est un film semble t il mal aimé dans la filmographie de David Lean, car il a le tort d'arriver après un des films les plus célébré du réalisateur sur ce même thème de l'adultère, Brève Rencontre. Sans être aussi réussi, Les Amants passionnés (adapté d'une nouvelle de HG Wells) vaut bien plus que cette réputation de décalque et propose au contraire une belle variation du classique de 1945.

Comme presque tout les premiers film de David Lean, Brève Rencontre était scénarisé par la dramaturge Noël Coward (qui partage même la réalisation du premier Lean Ceux qui servent la mer) dont l'influence s'y faisait fortement ressentir. Brève Rencontre était ainsi un film étouffant où l'adultère était (certes pour des raisons de censures) plus désiré que réellement consommé, le poids de la moralité et des apparences pesant comme une chape de plomb sur les amants auquel aucune issue n'était offerte. The Passionate Friends est un film fort différent, lumineux, radieux et aux romantisme visuellement flamboyant qui le rapproche bien plus que Brève Rencontre de l'idée qu'on peut se faire d'un film de David Lean. Il n'en comporte pas moins des zones d'ombres angoissantes et la différences de traitement tient du fait que cette fois les personnages sont bien plus responsables de leur amours contrariées que la société inquisitrice de Brève Rencontre.

Mary Justin (Ann Todd) femme d'un banquier richissime est lors de la première nuit d'un séjour en Suisse assaillie par les souvenirs d'un amour oublié avec Steven Stratton (Trevor Howard dans un rôle voisin de Brève Rencontre), le hasard faisant que ce dernier vient d'emménager dans la chambre voisine du même hôtel. Une narration en flashback s'amorce donc où l'on découvre ce qui sépara le couple neuf ans plus tôt. Le même type de procédé dans Brève Rencontre ne nous cachait rien des sentiments les plus intimes de Celia Johnson par la voix off, mais ici c'est plus par la texture même de ce souvenir qu'il faut lire les pensées de Mary et c'est en quelque sorte Lean le visuel qui prend le pas sur Coward le littéraire. Ainsi Mary retrouve Steven le temps d'une soirée de nouvel an fastueuse et d'un coup les images de leurs passé amoureux commun affluent sans prévenir, teinté d'une photo d'un blanc immaculé opposé aux teintes réaliste du présent.

Epouse rangée au train de vie luxueux, elle a abandonnée toute sa fougue et sa passion à cette époque pour un mariage de convenance avec le riche banquier incarné par Claude Rains. C'est là toute la différence avec Brève Rencontre, Ann Todd refusant un amour réciproque qui lui tend les bras pour des raisons plus (l'abandon à l'autre que demande un amour aussi intense l'effraie) ou moins (le confort matériel de sa vie actuelle) louables. si Lean réserve quelques séquences d'une beauté sidérantes aux deux amants (le dîner chez Stratton alors que la soirée jette ses premières ombres dans l'appartement) l'ouverture même du film nous a déjà donné la réponse sur son choix malheureux.

Etonnement, les retrouvailles annoncées lors du retour au présent offre un moment finalement bref et amer. Les sentiments intacts se devine le temps d'un périple enchanteur dans les montagnes suisse mais Ann Todd à nouveau assaillie par cet amour qu'elle ne peut oublier comprend qu'elle a laissé passer sa chance. Si les époux étaient quasiment absents dramatiquement du récit dans Brève Rencontre, Claude Rains ici par sa composition poignante donne à voir le terrible regard de celui qui est trompé.

Il faut voir sa détresse lorsqu'il voit le visage défait d'Ann Todd après qu'elle ait quitté une ultime fois Trevor Howard lors d'une des plus belles scènes du film. Il comprend alors qu'elle ne ressentira jamais ce genre d'émotion pour lui et en est brisé.

Le film déçoit néanmoins dans sa dernière partie en n'osant pas aller au bout de cette noirceur où Ann Todd se retrouve abandonnée par son amour et rejeté par son mari. La conclusion moins ouvertement dramatique qu'attendue (problème de censure encore ?) laisse donc place à une variante de celle de Brève Rencontre plus porté sur une résignation sereine que le romantisme désespéré, ce qui peut laisser un certain sentiment de frustration. Un très beau film néanmoins dominé par l'interprétation superbe de Ann Todd et Claude Rains, Trevor Howard semblant plus en retrait.

Sorti uniquement en dvd zone 2 anglais. Je recommande vivemen d'ailleurs l'acquisition du coffret anglais consacré à la période anglaise de David Lean qui regroupe ses dix premiers films dont celui ci (et les plus connus Oliver Twist, Brève Rencontre et De Grande Espérances tout les autres sont inédits en France) doté de sous-titres anglais, sublimement restaurés (voyez les captures !) et trouvable a prix tout à fait abordable sur amazon ou play entre autres.

2 commentaires:

  1. Celui-ci demande sans doute qu'on y revienne, mais soyons juste: et si la rustration que tu évoques provenait tout simplement su fait que ce n'est pas Brève rencontre? Lean se cherchait à cette époque, non? Je suis totalement d'accord avec toi sur la beauté plastique du film...

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  2. Oui c'est vrai que Lean se cherchait à ce moment là, ça doit être seulement son 2e ou 3e film sans l'apport de Noel Coward. Le soucis c'est uniquement cette conclusion finalement assez conventionnelle alors qu'on est pas loin d'en avoir une autre bien plus sombre qui aurait complètement détaché le film de Brève Rencontre.

    Mais sinon sur ce même thème de l'adultère on trouve déjà les premisses de ce qui fera la réussite de "La Fille de Ryan" ou "Docteur Jivago" notamment le fait de vouloir être de moins en moins explicatif par les mots et tout traduire par l'image (l'échange de ragard entre Ann Todd et Claude Rains est particulièrement parlant sur cette nouvelle voie). En tout cas c'est loin d'être une déception après ce que j'en avais entendu.

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