Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 2 mai 2011

La Solitude du coureur de fond - The Loneliness of the Long Distance Runner, Tony Richardson (1962)


Colin Smith est un jeune révolté, qui, à la suite d’un vol commis dans une boutique, est placé dans un centre d'éducation surveillée. Pratiquant la course de fond, il s’évade en rêveries de son morne quotidien durant ses courses solitaires. Il gagne sa notoriété dans l'établissement grâce à ses performances de coureur et prend le parti de suivre les ambitions qu’a pour lui Ruxton Towers, le directeur du centre...

Un des très grands films du "free cinema" anglais que ce The Loneliness of the Long Distance Runner dont le titre poétique tient parfaitement ses promesses. Après le succès critique et commercial du Saturday Night and Sunday Morning qu'il produisit pour son ami Karel Reisz, Tony Richardson transposait à son tour un écrit de Alan Sillitoe qui adapte à nouveau lui-même sa nouvelle.

Comme dans nombre de films issus des kitchen sink drama, il est à nouveau ici question d'un jeune homme en colère contre son environnement et en plein questionnement existentiel. Colin Smith (Tom Courtenay) est un jeune délinquant fraîchement débarqué dans un centre d'éducation surveillé. Teigneux, la langue bien pendue et insolente et rebelle à toute autorité, il n'y a guère d'espoir à entretenir pour ce qui nous semble d'emblée un irrécupérable en puissance. Seulement Colin a un talent particulièrement utile dans le programme du centre, il est très doué pour la course de fond. Rapidement repéré par l'ambitieux directeur (Michael Redgrave), il est pris sous son aile et mis dans les meilleure condition pour concourir à la compétition scolaire qui va opposer nos jeunes voyous aux élèves d'un établissement huppé.

Le film justifie alors son titre à travers les séquences d'entraînement de Colin où durant l'effort il s'évade dans de longues rêveries en flashback qui nous permettront de savoir comment il en est arrivé là. Tony Richardson était un des réalisateurs anglais les plus aventureux formellement (se souvenir du traitement de choc qu'il administre au film en costume l'année suivant avec son délirant Tom Jones) de l'époque et le prouve à nouveau ici. L'esthétique la plus austère et naturaliste côtoie donc les expérimentations les plus déroutantes.

Un caméra portée en vue subjective accompagne ainsi les courses saccadées de Colin pour s'évader vers la cimes des arbres et du ciel lorsqu'il se perd en pensées, la bande son se fait soudain silencieuse en plein tumulte dans les gros plan sur Courtenay soudainement absorbé par tout autre chose et le montage ose les enchaînement les plus surprenants (dont l'usage de l'accéléré qu'il réutilisera dans Tom Jones et précurseur d'une scène culte du Orange Mécanique de Kubrick) d'un lieu où d'une temporalité à une autre.

Tout ses artifices sont là pour faire le parallèle entre le passé peu reluisant de Colin et la manière dont sa situation présente peu y répondre. Nous découvrons ainsi certes un jeune voyou mais pas pire que les autres et dont les possibilités du monde des adultes ne disent rien de bon : un père mourant qui s'est éreinté à la tâche en vain dans un travail pénible, une mère qui s'abandonne au premier nanti venu et qui lui rappelle à chaque incartade que c'est bien elle qui détient le porte monnaie et donc le pouvoir... La vie adulte et rangée ne semble qu'un appel à la course à la consommation (on a d'ailleurs une brillante scène de shopping tournée et monté comme une réclame tapageuse) et au renoncement (autre beau moment où un discours politique télévisé de d'abnégation et de soumission est raillé par Colin), soit tout ce que rejette Colin le rebelle.

Bien moins avenant et fragile que dans Billy Liar, Tom Courtenay offre une prestation étincelante et tout en intensité. Son physique malingre, son visage en lame de couteau l'identifie immédiatement à cette jeunesse anglaise mal dans sa peau mais qui ne sait vers quel autre destin se tourner que celui des parents. Les seuls moments apaisés sont du coup ceux d'une innocente romance adolescente où les héros peuvent pour un temps se détendre notamment lors d'une très belle séquence d'excursion en couple à la plage.

C'est pourtant lors de sa conclusion que l'histoire dévoile pleinement son ambition. Loin d'être une porte de sortie, la course de fond n'est qu'une autre voie pour entrer dans le moule. Colin se rend alors compte qu'en se prêtant au jeu du directeur, il se renie et suit finalement le même chemin de conformisme qu'il déteste. Jamais le scénario n'évoque une jalousie quelconque des autres camarades durant tout le film si ce n'est une rivalité avec un autre coureur délinquant. Ce dernier semble plus motivé par les avantages dus à son statut de sportif vedette, de la mise en avant de sa personne que d'une réelle motivation pour la compétition. c'est donc dans une démarche inverse que s'attèle Colin dans la magistrale conclusion où il prouve sa valeur durant l'épreuve tout en délivrant un formidable camouflet à tout ceux faisant reposer leurs ambition sur lui.

Cette dernière course nous offre une ultime évasion de Colin en kaléidoscope où se bousculent toute les séquences du film, l'arrivée correspondant à un esprit enfin en paix avec lui-même. On a rarement vu appel à la rébellion plus virulent symbolisé par cette scène de conclusion où Tom Courtenay désormais dénigré se fond dans la masse des autres élèves, ayant choisi l'anonymat et l'individualité plutôt que la gloire de façade et l'acceptation de tous. Un grand film où on tutoie un peu l'état d'esprit du Fountainhead de King Vidor.

Sorti en dvd zone 2 français chez Doriane, pour les anglophones préférant une édition moins chère se pencher vers les zone 2 anglais plus abordable mais pas forcément doté de sous-titres ou alors le zone 1 sorti chez Warner qui lui a des sous-titres anglais.

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