Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 30 mars 2012

Le Jardin du Diable - Garden of Evil, Henry Hathaway (1954)


Trois passagers d'un bateau se trouvent coincés dans une petite bourgade du Mexique après une avarie de machines. Alors qu'ils prennent un verre, une femme aux cheveux roux surgit et les supplie contre récompense de secourir son mari bloqué au fond d'une mine par un éboulement. Les trois hommes ainsi qu'un client du bar acceptent. Ils l'accompagnent dans une région isolée aux mains des Apaches.

Hathaway réalise un des plus singuliers westerns des années 50 avec ce Jardin du Diable où le déroutant scénario de Frank Fenton nous emmène de surprise en surprise. Le film démarre comme un western d'aventures picaresque façon Vera Cruz (réalisé cette même année 1954 et où Gary Cooper campe un personnage assez proche) où trois hommes coincés dans une bourgade mexicaine acceptent de suivre une femme dont le mari est coincé dans une mine d'or.

Tout les les archétypes sont là, personnages comme décors spectaculaire pour mener un récit mouvementé. Gary Cooper est ici un homme droit mystérieux et taciturne sur son passé, Cameron Mitchell serait plutôt le jeune chien fou à la gâchette facile et le grand Richard Widmark aux antipodes de ses rôles de psychotique est le désinvolte posant un regard distancié sur le danger. On comprend déjà que l'on est ailleurs avec le personnage de Susan Hayward qui ne tombe dans aucun clichés du genre (la vamp, la femme effacée et aimante) pour composer une femme à poigne qui ne lève pas un regard sur les hommes ayant accepté de l'accompagner.

Seul compte pour de sauver son époux enseveli et aucun obstacle ne se posera en travers de sa route. Une scène définit cette détermination lorsqu'elle traverse la première et en sautant à cheval et sans la moindre hésitation la crevasse d'un chemin sinueux en flanc de montagne. Ce passage accompagne aussi le basculement du film dans un territoire inconnu, autant dans l'espace traversé que par la tournure de l'intrigue.

Le rythme et l'atmosphère sont des plus étranges. Hathaway effectue un grand écart étonnant avec ces cadrages amples dévoilant toute la majesté des somptueux et très variés décors naturels contrebalancé par une caméra statique qui instaure progressivement une ambiance des plus oppressantes. On ne sait pas vraiment ce que l'on doit craindre le plus, les indiens tapis dans l'ombre dont c'est le territoire ou alors les passions des protagonistes que ce soit l'appât du gain ou l'attirance pour Susan Hayward. Pas d'action donc mais une tension sourde où l'on explore les failles des personnages et devine dans quel travers ils tomberont lorsque les choses se gâteront.

L'interprétation est exceptionnelle au sein du trio vedette. Gary Cooper taiseux et droit comme la justice fait passer une gamme d'émotions subtiles à un personnage dont on ne saura rien jusqu'au bout. Richard Widmark est lui fascinant en homme lucide sachant lire l'esprit des autres et qui malgré cela se montrera prêt à céder à une Susan Hayward ambiguë. Hathaway saisit magnifique la séduction et le pouvoir de conviction de cette femme sensible mais prête à capable de pousser les hommes à leur perte si besoin.

L'arrivée à la mine et les retrouvailles avec son mari l'éclaire sous un nouveau jour où on saisit toutes les nuances du script de Fenton. On a là des êtres vide de toute humanité dans leur simple quête de richesse et finalement les plus attachants seront ceux qui sauront se sacrifier où survivre pour une plus noble cause.

Le mari (Hugh Marlowe) saura ainsi rendre tragiquement à son épouse l'abnégation qu'elle a mis à le sauver, Richard Widmark exprimera sa flamme au travers du hasard d'un jeu de carte (même si une belle scène de de déclaration aura précédé) et Gary Cooper dans la belle scène finale rejoindra Susan Hayward dans un soleil couchant sachant lui aussi où est l'essentiel.

L'action est entièrement soumise à cette évolution des personnages et n'arrive finalement que dans les tous derniers instants du film. Là Hathaway récompense notre attente avec un sacré morceau de bravoure où une course poursuite nerveuse s'enchaîne avec une embuscade en montagne.

L'ennemi indien n'est qu'un prétexte et un révélateur qu'Hathaway film comme des silhouettes indistinctes et sans visages, une menace omniprésente dont les flèches peuvent surgir de partout amenant une dimension fantastique et psychologique appuyée. Formellement c'est somptueux de bout en bout et un des Hathaway les plus aboutis visuellement où les images marquantes sont multiples. Vraiment surprenant dans sa manière de contredire un argument attendu, un superbe western pour peu qu'on accepte d'être happé dans son étrangeté.


Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis dans la collection western

3 commentaires:

  1. Le DVD sort prochainement en version Blu-Ray dans la collection Westerns de légende (Sidonis), cela va être somptueux, et ce sera le moment de le revoir!

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  2. Déjà que la copie dvd est très belle (voir les captures) ça va vraiment être somptueux en blu-ray si la restauration est bien faite...

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  3. En Blu-ray, je vous recommande avec enthousiasme : DANSE AVEC LES LOUPS, TRUE GRIT (celui d'Henri Hathaway :100 dollars pour un shérif) et LA CONQUETE DE L'OUEST (en Cinérama!), encore Hathaway, avec Ford et Marshall.
    Ces films prennent un superbe coup de jeune ! Evidemment c'est un peu plus cher à l'achat, mais pour y avoir goûté, j'ai maintenant du mal à revenir au DVD simple. Diabolique, n'est-ce pas?

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