Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 6 juin 2012

American Graffiti - George Lucas (1973)


À la veille de quitter leur petite ville pour rejoindre une université, 4 amis s'offrent une dernière virée nocturne ; Rock'n roll, drague en voiture, bal de promotion... quitter la copine... Une drôle de nuit dont ils ne sortiront pas vraiment les mêmes.


American Graffiti constitue à tout point de vue le modèle du teen movie tel que nous le connaissons aujourd'hui. Dans l’idée, son année de sortie le rapproche de l’album Pin Ups de David Bowie paru aussi en 1973. Le rapprochement parait étonnant mais se tient aisément. Pin Ups innovait à l’époque le concept aujourd’hui usé jusqu’à la corde de l’album de reprise (qui existait déjà avant bien sûr mais pas dans une optique aussi pensée et réfléchie que Bowie) où David Bowie inventait la notion de nostalgie dans la culture rock encore neuve d’alors tout en lui donnant une portée post-moderne puisque les reprises (des classiques des Who, Pink Floyd, Kinks Them et quelques autres plus oubliés comme les Pretty Things ou les Easy Beat) étaient revue et corrigée à la sauce glam, LA musique des teenager du début 70’s (T-Rex, Bowie donc, Mott The Hoople). George Lucas ne procède pas autrement lorsqu’il se lance dans American Graffiti.

Pour rester dans la comparaison avec David Bowie, ce dernier se sera longtemps cherché et multiplié les déconvenues avant de se réinventer dans sa mutation en Ziggy Stardust (largement inspiré de son ami Marc Bolan de T-Rex) et en s’appropriant les codes du glam rock (androgynie sexuelle, simplicité musicale et inspiration de l’âge d’or du rock des années 50) qui d’artiste confidentiel en ferait l’icône des teenagers. La démarche de George Lucas est similaire ici. Chaperonné par son ami Francis Ford Coppola, Lucas obtient un deal en or au sein de la Warner qui cherche alors à enrôler les metteurs en scène les plus prometteurs du Nouvel Hollywood. Il aura donc carte blanche lorsqu’il mettra en scène son premier film, le froid et expérimental THX-1138. Bien sûr aujourd’hui, le film est considéré à juste titre comme un classique SF mais la Warner se montrera fort mécontente du résultat austère et le film sera un échec commercial.

Lucas effectue donc une remise en question sur son approche du cinéma. Le pratique-t-il pour être analysé par une supposée élite censée mieux saisir ses idées ou doit-il au contraire apprendre à s’adresser au plus grand nombre ? En optant pour la seconde solution, Lucas décide donc d’exprimer la part de sa personnalité la plus enjouée plutôt que celle cérébrale qui donna THX-1138. L’époque où Lucas fut le plus rebelle et insouciant fut celle de son adolescence à Modesto où dingue de voiture il multipliait les courses de voiture casse-cou avec ses amis jusqu’à ce qu’un accident presque mortel le ramène à plus de sérieux. C’est précisément des souvenirs de cette période que Lucas nourrit American Graffiti qui bien que pur fiction revisite ses souvenirs, les camarades qu’il a connu à travers les personnages du film et les sentiments qui les animaient alors.

American Graffiti décrit en 1962 la dernière et folle nuit d'innocence de divers protagonistes adolescents à la croisée des chemins et s'interrogeant sur leur futurs. Curt (Richard Dreyfuss) qui hésite à quittera ville et ses amis pour l'université tandis que Steve (Ron Howard) ne songe qu'à en partir forment le noyau dur de l'intrigue autour duquel gravitent tous les autres personnages archétypal et attachants : Milner l'as du volant, Terry le binoclard un peu loser et bien d’autres ... C’est par chacun d’eux que Lucas exprime cette dimension où chacun des personnages masculins est un reflet de lui-même à différente période de son adolescence.

Le binoclard moche risée de tous, le plus populaire as du volant adepte du cruising (course clandestine), puis le jeune homme s'interrogeant sur son avenir (rester ou partir devenir quelqu’un et faire ses études à l’Université) tandis que les autres héros reflètent également les jeunes années des coscénaristes Gloria Katz et Willard Huyck (futurs auteurs d’Indiana Jones et le Temple maudit, mais aussi… de Howard the Duck personne n’est parfait).

Alors que l’Amérique d’alors à sombré dans la contre-culture hippie, que la Guerre du Vietnam a semé le doute face à l’autorité de l’Etat, George Lucas ressuscite l’imagerie americana et l’innocence des années 50 à travers l’imagerie (le défilé de gros modèles de voiture d’alors Cadillac, General Motors, Chevrolet…) et aussi la bande-son truffé de standard emblématiques (Les Platters, Bill Haley, Buddy Holly, Fats Domino…)qui si elle n’invente pas la formule (dès les années 50 Le diptyque de Frank Tashlin La Blonde et moi/La Blonde explosive est truffé de titres du rock’n’roll triomphant et plus près bien évidemment Easy Rider) la popularise définitivement d’autant que les droits musicaux sont très accessible même pour une modeste production. La nostalgie est poussée jusqu’à engager l’animateur radio des jeunes années de Lucas Wolfman Jack dont les élucubrations entre les titres font office de narrateur.

Portrait d’une candeur révolue avec la mort de Kennedy, American Graffiti évite pourtant le piège dangereux de la naphtaline. Même en revisitant un passé proche, Lucas exprime finalement des tourments adolescents bien ordinaire, avec profondeur et légèreté à la fois. Les situations classiques du teen movie en devenir (tentative de coucherie, bal de fin d'année, acheter de l’alcool) sont explorée avec inventivité (tout le long périple entre Milner et l’envahissante gamine de douze ans) et une fraicheur constante.

Doté d'un rythme trépidant, le film tourné dans un style documentaire captant au plus près les prestations des acteurs confondant de naturels (des débutants plein de talent comme Harrison Ford) où la majorité des erreurs et des incidents seront conservés durant les prises. Le montage et la réalisation dynamique saisissent magnifiquement la fougue adolescente qui traverse les images. Pour conclure l’analogie de départ avec David Bowie, l’accomplissement et le futur des deux artistes sera également similaire. David Bowie avec le glam rock et le sommet de l’album rétro Pin Ups fait œuvre de nostalgie et de modernité, se tournant vers le passé pour inventer une nouvelle forme et ses multiples mutations musicales à venir sont nées de l’assurance acquise par cette première mue.

George Lucas quant à lui aura réussi à lier ses aspirations cinématographiques ambitieuses à un art populaire et inventif grâce à l’immense succès du film (triomphe au box-office, cinq nominations à l’Oscar) tout en faisant acte de post-modernisme puisque s'inspirant du temps de la naissance de la culture adolescente pour en donner une de ses figures majeures avec le teen movie moderne. Bowie apportait avant le punk un souffle de jeunesse moderne à un rock moribond par le rock progressif pompeux, Lucas offrait un souffle de légèreté à un cinéma US sordide dans sa production où la notion de divertissement avait disparue. Cette idée, George Lucas allait y donner un tour définitif et plus brillant encore avec le premier et époustouflant Star Wars quatre ans plus tard. Grand Control to Major Tom…

Sorti en dvd zone 2 français chez Universal optez pour l'édition collector qui comprend la suite plutôt réussie "More American Graffiti" dont on devrait reparler ici bientôt.


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