Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 11 octobre 2012

Haute Pègre - Trouble in Paradise, Ernst Lubitsch (1932)


Gaston Monescu, célèbre voleur mondain, rencontre l'âme sœur en la personne Lily de Vautier, jeune et séduisante pickpocket. Ils décident d'associer leur talent pour soulager la riche et célibataire Madame Colet, dans la vie de laquelle Gaston a réussi à s'immiscer. Mais Lily veille.....

Film favori de son réalisateur, Trouble in Paradise représente déjà une forme de quintessence de la Lubitsch Touch transcendée ici par le contexte Pré Code autorisant toutes les audaces. Lubitsch comme souvent va chercher ici son inspiration dans une pièce hongroise (comme ce sera le cas pour les futurs Ange et Ninotchka par Melchior Lengyel, The shop around the corner de Nikolaus László et Le ciel peut attendre par László But-Feketé), The Honest Finder/A Becsületes Megtaláló écrite en 1931 par László Aladár. Autre habitude aussi de ses grandes comédies des années 30, l'intrigue se situe dans la haute société européenne où de la frivolité et des caractères intéressés il saura faire naître les sentiments les plus délicats.

Ce mélange singulier de cynisme et de romantisme se signale dès la mémorable scène d'ouverture à Venise décrivant la rencontre entre Herb Marshall et Myriam Hopkins. On en reste à la séduction courtoise tant que chacun porte encore son masque, baron pour lui et comtesse pour elle mais c'est véritablement lorsqu'ils se découvrent tout deux escrocs chevronnés et partagent leur virtuosité à se dépouiller l'un l'autre que l'amour naît entre eux. L'amour véritable ne semble pouvoir naître que dans l'authenticité représenté par nos deux voleurs, les codes du paraître de la haute société entravent eux l'expression de sentiments sincère.

Cette idée va être mise à rude épreuve lorsque notre duo va tenter d'arnaquer la riche et belle Madame Colet (Kay Francis) dans la vie de laquelle ils s'immiscent pour mieux la spolier. Lubitsch déploie des trésors d'audaces pour dépeindre le désir naissant entre Herb Marshall peu à peu désarçonné par le charme d'une divine et élégante Kay Francis. Regards équivoques et brûlant de désir de Madame Collet (la séparation après le premier dîner), dialogues à double sens brillants et situations inventives filmé de manière virtuose par Lubitsch rendent donc le spectacle délectable. La scène d'ouverture/fermeture des portes des chambres d'Herb Marshall et Kay Francis par son sens du montage et de l'ellipse est absolument géniale dans cette idée, le simple cliquetis d'une serrure faisant plus travailler l'imagination qu'une scène d'amour plus explicite.

Tout a été pourtant dit dès l'ouverture et la possible et réelle histoire d'amour entre le voleur et la riche héritière est vouée à l'échec. Lubitsch nous y prépare par le dialogue lorsqu’enfin tombé dans ses bras Herb Marshall découvre les velléités possessives de Madame Collet qui se sent désormais propriétaire de son employé qui lui a cédé. Lorsque les masques tomberont son statut de voleur aura moins de poids malgré son attitude noble que celle du vrai escroc de l'affaire issu du même milieu et contre lequel on ne saurait agir. Le constat est assez noir malgré la fougue de l'ensemble, seuls ceux sachant se reconnaître comme semblable peuvent s'unir en ne se cachant pas de ce qu'ils sont (notre coule de voleur) quand chez les nantis cette franchise est synonyme de rupture.

Lubitsch fait preuve d'un sens du rythme toujours aussi parfait (82 minutes mené tambour battant) et met idéalement en valeur son excellent casting. Herb Marshal en simili Arsène Lupin (inspiré d'un vrai cambrioleur hongrois virtuose Georges Manolescu dont les mémoires parus en 1907 furent adaptées dans deux films muets) virant à l'amoureux transi fait preuve d'un bagout et d'une aisance parfaite, Myriam Hopkins la plus franche et sincère de tous est très attachante et difficile de ne pas succomber à Kay Francis en aristocrate se délestant de sa frivolité pour un désir plus pressant.

On n'oubliera pas non plus l'amusant duo de prétendants éconduits formé par Charles Ruggles et le futur cocu magnifique de Sérénade à trois Edward Everett Horton en Filiba. Ce classique de Lubitsch resta longtemps invisible après son succès initial, l'instauration du rigoureux Code Hays entretemps le privant de toute ressortie jusqu'en 1968.

Sorti récemment en dvd zone 2 français et pour une édition plus fournie Criterion l'a édité il y a quelques années avec sous-titres anglais

Extrait

3 commentaires:

  1. avec "shop around the corner", le meilleur Lubitsch

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    1. Vous écrivez :"l'intrigue se situe dans la haute société européenne où de la frivolité et des caractères intéressés il saura faire naître les sentiments les plus délicats."

      Ceci pourrait être un commentaire du film de Max Ophüls : "Les boucles d'oreille de Madame De…" à cette différence près qu'Ophüls s'inspire de la mondaine très parisienne : Louise de Vilmorin.

      Le roman de Henry James "Les Ailes de la Colombe" repose sur une intrigue semblable.
      Un couple s'immisce auprès d'une Américaine venue en Europe, et à Venise tout particulièrement, pour mourir. L'intrigante, à l'écran, est Helena Bonham Carter (le film est de Iain Softley. Mais le sort fatal (connu dès le début du film : NO SPOILER) d'Alison Elliot fait qu'il n'est pas question de comédie.

      J'ai mis ce film dans le "panier" d'Amazon,
      pour l'acheter si je peux...

      J'aime beaucoup "the shop round the corner"; mais malgré différents essais, je n'ai jamais réussi à me concentrer sur "to be or not to be"

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  2. J'ai aussi beaucoup aimé Cluny Brown ... En tout cas, je le note !

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