Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 27 janvier 2013

Reckless - James Foley (1984)


Une petite ville industrielle de l'Ohio. Depuis le départ de sa mère, Johnny est devenu un solitaire, jugé asocial et dangereux. C'est pour cette raison qu'il attire la jolie Tracey, issue d'une riche famille.

Reckless est un film chargé de promesse de par le souffle nouveau qu'il dégage dans le cinéma américain 80's et également par les carrières naissantes de ses participants amenés à devenir célèbres. On pense d'abord à James Foley qui dans ce premier film trace les grandes lignes thématiques de son œuvre maîtresse Comme un chien enragé (1986) avec ce héros rebelle en quête d'ailleurs, la figure paternelle défaillante et la prison que semble constituer ces petites villes provinciales américaines sans vie. Le scénario est également le premier signé par Chris Colombus qui accèdera à la notoriété avec ses deux suivants comptant parmi les meilleures productions Amblin, Gremlins et Le Secret de la pyramide (tout deux sorti en 1985). C'est aussi le premier rôle du jeune Aidan Quinn propulsé superstar du jour au lendemain par le succès du film et Darryl Hannah même si plus expérimentée (Fury de De Palma (1978) et le classique Blade Runner (1982) constituent déjà de belles pièces de sa filmographie) voit sa carrière exploser en cette année 1984 avec Reckless et son rôle de sirène dans Splash.

 Reckless, c'est le mal être de La Fureur de vivre, les préoccupations sociales et la naïveté du Lauréat transposée dans le contexte de l'Amérique des 80's. L'histoire narre la rencontre de deux solitudes que tout sépare si ce n'est un même mal être et sentiment d'enfermement. Johnny (Aidan Quinn) traîne son ennui à moto dans les ruelles triste de cette cité industrielle grisâtre tandis que les problèmes s'accumulent dans sa vie personnelle : le départ de sa mère, l'alcoolisme de son père avec qui il vit, des instincts suicidaires et une agressivité qu'il a de plus en plus de mal à réfréner.

Tracey (Darryl Hannah) au contraire a tout pour être heureuse dans une existence qui sonne comme un cliché : jolie blonde issue d'un milieu bourgeois, meneuse des pom pom girls et petite amie du quater back vedette de l'équipe de football locale. Bien consciente de la vacuité de cette existence lisse et réglée, Tracey attend tout autant que Johnny l'évènement fera tout changer.

 Foley passe le plus souvent par l'image pour exprimer le malaise ambiant. Johnny traîne ainsi son spleen dans une falaise surplombant l'usine d'acier locale dont l'architecture imposante envahit le cadre comme pour signifier cet horizon sans but. Pour Tracey la caméra l'isole le plus souvent en la cadrant seule lors des sorties avec ses camarades, la montrant comme éloignée et extérieure à ses distractions dont elle est lasse.

Les personnages ne savent pas ce qu'ils veulent si ce n'est qu'ils sont mal dans cet environnement et qu'il ont besoin d'autres chose. Cela est parfaitement exprimé lors d'une scène où Johnny remplit une fiche d'orientation où il résume son futur et ses besoins sur deux phrases en forme d'appel au secours. Get out from here ! More !.

L'expression de cette rage intérieure passera constamment de manière corporelle pour ses êtres incapables de l'exprimer par la parole. Ce sera d'abord par une scène de danse où durant un bal ronflant Johnny lance un rock martial et laisse exploser son énergie sur la piste avec Tracey, Foley les accompagnant par un hypnotique travelling circulaire. La grande scène d'amour entre eux fonctionnera de la même manière en deux temps par érotisme appuyé.

Chaque regard et caresse fonctionne en terme de défi pour les deux amoureux avide d'interdit lorsqu’ils envahissent seuls le lycée de nuit. Plus tard cette union se scellera en quelques mots où le besoin d'affection de Johnny et celui d'exprimer ses émotions de Tracey s'affirmera en quelques mots, Say you want me... I want you...

Foley donne une grande poésie à la désolation de cette ville morte. L'ensemble baigne dans une photo brumeuse et grisâtre (de Michael Ballhaus) d'où une palette de couleurs plus vives peut surgir lors des entrevues électriques du couple : le sous-sol rouge écarlate lors de la première étreinte ou plus discrètement l'extérieur aux discrètes teintes mauve à travers les carreaux lors de l'ultime échange à l'abri d'une salle de classe. Chargé d'atmosphère, la tonalité du film est profondément marquée 80's dans ses choix et notamment l'usage d'esthétiques issues du clip.

Le monteur du film est Albert Magnoli clippeur qui signera peu après le Purple Rain (1984) de Prince et la grande séquence muette où Johnny et Tracey séparés végètent dans un montage musical où les paroles de To look at you d'Inxs (un peu à la manière de Simple Minds pour Breakfast Club le groupe australien doit son au explosion aux USA à ce film dévoilant une large part de leur album Shabooh Shoobah en plus d'autres tubes new wave) surlignent leurs émotions est un splendide petit clip au sein du film.

Le score synthétique de Thomas Newman appuie cette atmosphère romantique et désenchantée où là aussi les longues déambulations motorisée sans paroles évoquent le clip, cela deviendra un cliché avec des productions Bruckheimer/Don Simpson comme Top Gun ou Flashdance mais ici c'est approprié et novateur. Foley en fera encore un usage brillant dans Comme un chien enragé avec le leitmotiv instrumental du Live to tell de Madonna.

Aidan Quinn est ici parfait en écorché vif à fleur de peau, tout en tristesse et résignation pouvant être interrompu par des explosions de violence quand la provocation est trop grande. C'est également l'un des meilleurs (si ce n'est le meilleur) rôle d'une Darryl Hannah évanescente, fragile dont le regard perdu et désabusé retrouve l'étincelle dès qu'elle est en présence de Quinn les deux ayant une formidable alchimie.

Les deux amoureux se débarrassent définitivement de leurs entraves toutes différentes (le poids des apparences pour Tracey, la responsabilité de son père pour Johnny) lors d'un surprenant final confondant de naïveté et très touchant. Signe de cette libération, le cadre jusqu'ici surchargé s'aère enfin pour dévoiler l'horizon de la route qu'ils empruntent, enfin ouverte.

Sorti en dvd zone 1 chez Warner dans la collection Warner Archives et donc sans sous-titres. 

 
Extrait de la scène de danse.

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