Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 7 janvier 2013

The Private Affairs of Bel Ami - Albert Lewin (1947)


Paris, 1880. Georges Duroy (George Sanders), un ex-militaire sans le sou, retrouve Charles Forestier (John Carradine), un de ses amis de régiment devenu journaliste à La Vie Française. Forestier ne tarde pas à introduire Duroy dans le milieu de la presse, l’aidant ainsi à entamer une carrière de journaliste… tout en lui conseillant d’user de ses charmes pour accélérer son ascension sociale. Conseil que Duroy s’empressera de mettre en pratique, devenant bientôt l’amant de la riche Clotilde de Marelle (Angela Lansbury), première d’une longue suite de conquêtes féminines...

Le raffinement d'Albert Lewin s'affirmait encore avec éclat dans cette splendide adaptation de Maupassant. Tout au long de sa courte filmographie, Lewin n'aura eu de cesse d'exprimer sa grande culture en tentant toujours de mêler les arts "majeurs" avec la puissance dramatique et romanesque attendue dans un grand film hollywoodien dans un tout accessible. Cette démarche s'avère d'autant plus cohérente dans ses trois premiers films aux motifs récurrents, notamment la présence de la peinture intervenant comme élément pictural et dramatique dans le biopic de Gauguin The Moon and Six pence (1942) ou l'adaptation d'Oscar Wilde Le Portrait de Dorian Gray (1945) où les tableaux (crées pour les films) surgissaient en technicolor à des moments clés. George Sanders, modèle de dandy cynique et arrogant constituait quant à lui l'acteur fétiche idéal pour Lewin et est présent tout au long de ces trois premiers films creusant le même sillon.

Cette fois cette approche sera au service du parcours semés d'embuches, trahison et vilenies de George Duroy (George Sanders) provincial ambitieux bien décidé à faire son chemin à Paris. Lewin aura su donner une vraie profondeur à George Sanders dans cet emploi récurrent d'homme cynique et manipulateur. Ici son Bel-Ami est certes détestable en ambitieux sans scrupule mais également humain, Lewin exprimant cette même forme de compassion que dans Dorian Gray pour ces dandy vaniteux.. Au départ vrai mufle sans talent ni manière (grandiose première scène où il rabroue une jeune femme venue l'aguicher) il découvre que l'attrait qu'il exerce sur les femmes va lui permettre de gravir les échelons sociaux à grand pas.

 On assiste donc avec plaisir l'acquisition progressive d'aisance professionnelle, rhétorique, vestimentaire et au final séductrice de Bel-Ami qui en s'améliorant devient un monstre d'égocentrisme. L'intrigue exerce une dualité constante entre ce Bel-Ami impitoyable qui séduit, triche et ment avec celui amoureux de Clotilde (Angela Lansbury) confidente avec laquelle il ose fendre l'armure. Comme le souligne la phrase leitmotiv du film All women take to men who have appearance of wickedness, Clotilde bien que connaissant ses travers est comme toutes les femmes du film une victime amouraché d'un goujat et de la plus intelligente (excellente Ann Dvorak), à la plus pure (Katharine Emery en prude Madame Walther) toutes tomberont sous son charme.

Lewin orchestre tout cela avec l'ambition visuelle qui lui est coutumière. La reconstitution est somptueuse, originale (ces scène de rue aux arrière-plans dessiné) et surtout très intelligemment pensée. Les intérieurs luxueux ont souvent des sols en figurant des cases noir et blanc faisant avancer les personnages des pions sur un grand échiquier, parfois c'est la disposition même des personnages dans le cadre qui fait d'eux des pions tel cette scène somptueusement éclairés par Russel Metty où Bel-Ami, Madeleine et le mari mourant s'intervertissent dans une scène d'une cruauté et d'une finesse extraordinaire. Le clou arrive bien sûr avec l'apparition en couleur du tableau La Tentation de Saint-Antoine faisant le lien avec les séquences similaires des précédent Lewin.

Dans le roman c'était le tableau Le Christ marchand sur l'eau de Karl Marcowitch mais Lewin peu inspiré par ce thème choisit d'y faire figurer une peinture représentant La tentation de Saint-Antoine et organisa un concours entre douze peintres fameux dont Dali, Paul Delvaux, Dorothea Tanning, Leonora Carrington avec pour vainqueur Max Ernst dont l'œuvre apparait donc dans le film. Ce changement de tableau implique aussi son lien à l'intrigue, dans le livre c'était une représentation du triomphe de Walther fier de son acquisition et la présentant éclairée à la lampe électrique mais Lewin en fait une illustration de la tentation de la chair de Madame Walter. Code Hays oblige, Le film use constamment de la métaphore ou du dialogue à double sens pour exprimer les pulsions érotiques des femmes sous l'emprise de Bel-Ami et ce moment est une merveille avec ce mélange des arts permettant d'exprimer les non-dits par la seule image.

De même la fin du roman est modifiée ici, le triomphe de Bel-Ami chez Maupassant ayant réussi dans toutes ses manigances devenant une punition avec Lewin le faisant perdre tout près du but dans un duel. Ce qui ressemble à une édulcoration hollywoodienne devient grâce à la façon dont le réalisateur a amené la chose un vrai regret pour notre héros avec un George Sanders abandonnant enfin toute roublardise. Encore une grande réussite pour Lewin et le meilleur était à venir avec la merveille des merveilles, Pandora.

Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side

Extrait des premières minutes

1 commentaire:

  1. compositions et éclairages raffinés.Pas vu.
    J'ai vu "Dorian Gray" qui doit lui ressembler.

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