Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 12 mars 2013

Arrivederci amore, ciao - Michele Soavi (2006)


Giorgio, un gauchiste idéaliste devenu terroriste, retourne en Italie après un exil en Amérique Centrale afin de mener une vie normale. Faisant chanter d'anciens militants, il obtient une peine de prison réduite. Une fois libéré, il sombre inexorablement dans une spirale infernale faite de violence et de crime.

Arrivederci amore, ciao avait signifié le grand retour au cinéma de Michele Soavi, fils prodige du cinéma de genre italien qui n'avait pu réellement réussir la carrière que son talent lui destinait. Après avoir été l'assistant à trois reprises d'un Dario Argento encore inspiré (Ténèbres, Phenomena et Opera - 82, 85 et 87) de Lamberto Bava sur son nanar culte Demons (1985) et enfin de Terry Gilliam sur le tournage épique des Aventures du baron de Münchhausen (1988), Michele Soavi faisait ses premières armes et imposait son regard singulier dans des réussites comme Bloody Bird (1987), Sanctuaire et surtout Dellamorte Dellamore (1994). Malheureusement, Soavi officie à une période où le cinéma italien (et notamment fantastique) s'étiole, formaté par la télévision. Longtemps exécutant à la télévision justement, Soavi retrouve enfin le chemin des plateaux de cinéma avec ce Arrivederci amore, ciao.
Le film solidement ancré dans le réel semble au départ bien éloigné de l'univers de Soavi et est un pur polar. C'est une adaptation du roman du roman éponyme de Massimo Carlotto, dont certains éléments reprennent des évènements de sa propre vie. Etudiant militant de la Lotta continua durant les Années de Plomb, Carlotto fut contraint à l'exil et à une longue cavale à l'étranger après que le cadavre d'une jeune fille assassinée de 59 coups de couteau fut retrouvé dans son appartement. Capturé et ramené en Italie, Carlotto ne cessa de clamer son innocence, l'opinion finissant par prendre fait et cause pour lui ce qui aboutira à sa grâce en 1993, après laquelle il entame sa carrière d'écrivain. 

Le film reprend ce principe d'ancien activiste de retour au pays et en quête de rédemption mais pour le reste part dans une direction bien plus sombre. L'intrigue s'ouvre sur une allocution radio célébrant la chute du mur de Berlin et ainsi la fin de la Guerre Froide, du clivage Est/Ouest et plus généralement droite/gauche dans le sens manichéen qui a pu exister. Pour beaucoup, cela signifie la fin du combat et une certaine forme de trahison notamment pour notre héros Giorgio (Alessio Boni) réfugié chez les guérilleros en Amérique du Sud après une condamnation à perpétuité pour attentat 15 ans plus tôt en Italie. Le meurtre de son compagnon d'arme et meilleur ami en échange d'un passeport signifie d'emblée la détermination de notre héros. Fini le militantisme, il va revenir au pays, s'enrichir et se réhabiliter grâce à une pirouette juridique possible dans le code pénal italien. 

Violence, chantage sexuel et trahisons en tous genres, rien ne sera de trop pour ce Giorgio qui s'affirme comme une des plus belles ordures vue au cinéma ces dernières années. Visage d'ange et âme de démon, Alessio Boni délivre une prestation mémorable avec ce personnage retors et ambitieux. Le plus effrayant, c'est que tous les personnages qui l’entourent sont encore pires que lui : politicien véreux, dealer et surtout le flic pourri campé avec une délectation certaine par un excellent Michele Placido. 

Le film semble réellement exprimer la dégénérescence de la société italienne et la disparition totale des idéaux. Les institutions sont gangrénées et corrompues comme elles semblent toujours l'avoir été, et les anciens opposants (même avec leur méthodes douteuses faites de violence, intimidation et terrorisme) se sont au choix embourgeoisés et retirés (la rencontre à Paris en début de film) soi aspirent à l'être par des moyens terrifiant à l'image de Giorgio. Un flashback dilaté tout au long du film révèlera d'ailleurs que l'acte criminel fondateur de Giorgio relève en partie de l'accident, l'humanisant à travers une certaine culpabilité et vraie innocence qu'il a pu avoir à l'époque. C'est précisément dans ce monde moderne, matérialiste et individualiste qu'il devient un monstre impitoyable.

Visuellement, Soavi alterne avec brio la hargne du polar et une étrangeté issue de son passif dans le surnaturel. La boite de nuit où officie Giorgio à sa sortie arbore des éclairages criards dignes des giallos les plus bariolés d'Argento tandis que la caméra arpente les lieux comme dans un cauchemar halluciné voué à la dépravation. Il y a une certaine forme de fascination dans le jusqu'auboutisme du film sur les écarts de son héros abject qui abuse et cogne les femmes, tire dans le dos de préférence, vous sourit pour mieux trahir dans la seconde, un salaud et un vrai. S'il l'on ne peut s'y attacher ni avoir de l'empathie pour lui, Soavi parvient à teinter chacun de ses dérapages d'une forme de mélancolie à travers le jeu d'Alessio Boni semblant toujours lucide (en voix off ou par un simple jeu de regard) sur ce qu'il est devenu (presque) malgré lui. 

Cela se vérifiera dans une dernière partie où presque réhabilité il semble prêt pour une vraie histoire d'amour avec la belle et innocente Robi (Alina Nedelea). La conclusion cinglante et d'une extrême noirceur nous ramène brutalement sur terre et Soavi entre thriller sadique et pures envolée oniriques (la croix tombant dans le vide en rêve faisant comprendre le funeste destin et la cause du mal de Robi) fait définitivement de Giorgio un démon dans une contre-plongée où il nous domine tout de noir vêtu et le regard glacial. Et quelle puissance mélodramatique que ce leitmotiv de la chanson interprétée par Caterina Caselli...

L'aspect politique sans être occulté par Soavi découle quand même plus du livre tant la temporalité du film semble incertaine (c'est supposé se dérouler au début des 90's, mais la bande-son évoque plutôt les 80's et 70's tandis que la technologie -portable, modèle de voiture- le rend plutôt contemporain). Dans Dellamorte Dellamore, Soavi avait su donner une humanité aux morts-vivants, avec Arrivederci amore, ciao il nous prouve que l'on peut être vivant mais totalement mort à l'intérieur. Un pur diamant noir et un grand polar.

Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side

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