Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 14 juillet 2013

Stavisky - Alain Resnais (1974)


Serge Alexandre Stavisky est un puissant conseiller financier, propriétaire de nombreux établissements. Ses relations étroites avec notables et hommes politiques lui confèrent de nombreux privilèges et lui évitent beaucoup d'ennuis judiciaires. Pourtant, une enquête est menée dans l'ombre par l'inspecteur Bonny qui l'accuse de détourner des millions de francs: c'est le début du scandale des faux bons de caisse de la banque de Bayonne.

Stavisky marque sans doute pour Jean-Paul Belmondo la fin de sa carrière d'interprète pour désormais ne plus être pour le meilleur (Le Magnifique) et pour le pire (Les Morfalous) que "Bebel", le héros casse-cou et rigolard qu'il promène dans les gros divertissement qui firent sa gloire durant les années 70/80. L'échec du film (ajouté à celui de La Sirène du Mississippi de Truffaut) cassera donc le si brillant équilibre entre film d'auteur et populaire qu'il sut mener jusque-là ce qui est regrettable au vu de sa remarquable interprétation de Stavisky. Le film dépeint ainsi un des plus grands scandales politico-financier des années 30 avec l’affaire des bons de Bayonne des bons de Bayonne orchestré par l'escroc Alexandre Stavisky.

Même si on comprend grossièrement les tenants et aboutissants des magouilles de Stavisky, Resnais cherche plutôt à nous y perdre afin de dresser le portrait contrasté de son héros. Il nous est d'abord présenté comme un viveur flamboyant et dépensier dont le seul but est d'être vu, admiré et le seul sujet de conversation de sa société. Femmes (excellente scène où il couvre une inconnue séduisante de fleur en cinq minutes), politiques, banquiers, personne ne résiste à Stavisky ou plutôt à son nouvelle incarnation respectable Serge Alexandre. C'est bien cette schizophrénie qui causera sa perte puisque Serge Alexandre mène des affaires ambitieuses et respectables avec la roublardise de Stavisky, le prestige du premier s'opposant à la moralité toute relative du second.

Resnais captive en sondant cette dualité à travers sa narration (divers personnages donnant avec recul leur sentiment sur le héros dans des séquences interrompant la trame générale et en fait issue de l'enquête qui suivit la mort de Stavisky) mais surtout par un Stavisky rendu insaisissable par la superbe prestation d'un Belmondo parlant de lui-même à la troisième personne.

C'est dans la source de ce dédoublement de personnalité qu'il faudra chercher la cause du drame de Stavisky. Sept ans plutôt, son père dentiste respectable voyant son nom souillé se suicida suite à une des énièmes arrestations de son fils pour escroquerie et Stavisky après avoir noyé la perspective d'un procès à coups de pot de vins réapparu dans le monde en tant que Serge Alexandre. Ce passé le ronge et n'a jamais pu être complètement effacé, notamment par les traquenards tendus par l'Inspecteur Bonny (Claude Rich) qui a juré sa perte.

Resnais enveloppe habilement (à l'image de la photo vaporeuse de Sacha Vierny) cela d'un voile de mystère, ne surlignant jamais les évènements et laissant deviner ce que les évènements et agissements de Stavisky révèle de lui et de l'époque. La soif de reconnaissance vient ainsi de son besoin d'intégration, qui doit se faire sans courber l'échine comme le fit son père mais ce confronte au contexte politique agité et corrompu, où les prémisses du Pétainisme trouve déjà leurs sources. Si ce n'est l'amour indéfectible d'Arlette (magnifique Annie Duperey), Stavisky malgré son faste et son entourage est un homme seul.

C'est ce qui causera sa perte au final, Stavisky aurait fui pour tout recommencer ailleurs, Serge Alexandre souhaite rester et se défendre même si tout est perdu. L'ambiguïté du final obéit à cela, Stavisky a certainement été assassiné mais Serge Alexandre se serait plus probablement lui suicidé face à ce déshonneur. Lequel a été découvert par la police, là est la question. Un des films les plus accessibles de Resnais, visuellement somptueux (superbe reconstitution) et à l'atmosphère du rêve que n'a cessé de vouloir vivre Belmondo.

Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal

2 commentaires:

  1. Je trouve que c'est le film le plus "mainstream" de Resnais... Je ne sais pas si je me trompe ou si c'était effectivement conscient dans l'esprit de Resnais mais c'est un peu comme s'il essayait de se glisser dans un film "qualité france" pour le moduler, le modifier... (Bon, après, il s'est fait assassiner par la critique, et personne et aller le voir, donc a priori, c'est raté.)

    Est-ce qu'il y a des interviews, des analyses qui vont dans ce sens, ou est-ce que j'élucubre ?

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    1. C'est sûr que c'est un des Resnais les plus ouvertement accessibles et le fait de collaborer avec la superstar de l'époque Belmondo participe à ça. Après il y a une certaine ambition narrative et visuelle qui rend la chose un peu plus personnelle que du simple "qualité France", on est pas dans "Borsalio" (que j'aime bien quand même) quoi. Et puis même si certains de ces films peuvent être hermétique j'ai quand même l'impression (contrairement à un Godard par exemple) que des velléités plus grand public ne représentent pas une aberration pour Resnais, il n'y a qu'à voir son intérêt pour d'autres art populaire comme la bande dessinée.

      Et puis quand même on a rarement vu Belmondo aussi torturé dans ses rôles 70's c'est même la dernière fois où il prend autant de risque.

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