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lundi 20 janvier 2014

Hawaii - George Roy Hill (1966)

Au XIXe siècle, le Révérend Abner Hale et sa jeune épouse Jerusha sont envoyés de la Nouvelle-Angleterre à Hawaï comme missionnaires calvinistes afin de convertir les insulaires au christianisme.

Hawaï est une adaptation grandiose du best-seller de James Michener paru en 1959, narrant l'épopée tumultueuse des premiers missionnaires venus convertir la population hawaïenne au christianisme. James Michener a l'habitude de longuement capturer l'esprit et les origines des contrées qu'il dépeint dans ces ouvrages et George Roy Hill traduit cette idée dans la scène d'ouverture où sur des paysages hawaïen crépusculaire une voix-off nous dépeint la légende et mythologie de la naissance d'Hawaï.

Cette voix, c'est celle de Keoki (Manu Tupou) jeune hawaïen venu apprendre la théologie aux Etats-Unis et dont les propos vont émouvoir le jeune révérend Abner Hale (Max Von Sydow) qui dès lors est bien décidé à s'y rendre en mission d'évangélisation. Le début du film capture à la fois la rigueur religieuse de l'époque et le caractère ambigu de la foi de son héros. Dans l'obligation d'être marié avant son départ, Abner sera touchant de gaucherie dans la cour maladroite qu'il fera à Jerusha (Julie Andrews), jeune femme désignée pour être son épouse et l'accompagner dans cette aventure. Le cœur brisé par le départ sans nouvelle d'un baleinier (Richard Harris) dont elle c'était amouraché, Jerusha va être touchée par la maladresse et la sincérité d'Abner et accepter de l'épouser et partir avec lui.

Max Von Sydow offre une prestation subtile et intense avec ce révérend pieux et touché par la foi dès son plus jeune âge. Véritable force de la nature capable de de soulever des montagnes (l'incroyable scène de traversée où il est le seul vaillant parmi ses compagnons terrassés par le mal de mer et dont l'exaltation semble galvaniser les marins et même dompter les éléments hostiles en pleine tempête), sa cette foi est autant une force quand elle sert une cause collective qu'un signe d'intolérance quand elle n'obéit qu'au seul dogme religieux.

Ce questionnement parcourra tout le film, Abner oscillant constamment entre l'humanisme sincère et la distance hautaine du colonisateur. Le récit illustre ainsi ce que fut la réalité de l'évangélisation dans ces contrées lointaines, une vraie civilisations dans les mœurs et l'hygiène de ces peuples mais également un reniements de leur culture par une forme de lobotomie de ces âmes naïves où la religion ne représente que peur, châtiment et souffrance pour qui ne suit pas inflexiblement le dogme.

On aura un aperçu des deux versants ici lorsqu’Abner stoppe le sort cruel réservé aux enfants malformés (qui sont enterrés vivant), sauve la vertu des haïtiennes consommées sans vergogne par les marins de passages mais ne saura répondre que par la menace à certaines traditions locales comme le mariage incestueux, le culte des dieux anciens. La présence lumineuse de Julie Andrews représente donc le versant le plus positif de cette culture occidentale, mais elle sera également progressivement brisée par la droiture obsessionnelle de son époux. Ce qui évite de rendre le personnage d'Abner antipathique, c'est sa constante dualité entre l'abandon à ses vrais sentiments (voir ses sens, honteux qu'il du désir qu'il éprouve pour sa femme) et l'enseignement qu'il a reçu.

 On aura une description très attachante des hawaïens dont la naïveté traduit l'aspect de paradis perdu de ce cadre qui se perdra progressivement avec l'emprise des européens. Symbole d'hédonisme, de soleil et de plaisir, la vision d'Hawaï frappe d'entrée avec l'extraordinaire séquence de débarquement où une flopée de jeunes femmes à demi nues plonge avec enthousiasme vers le bateau. George Roy Hill exploite et magnifie son décor sous toutes les coutures pour mieux l'assombrir et le rendre inquiétant au fil de l'arrivée de la civilisation.

Les séquences de chaos se multiplient ainsi avec l'affrontement des marins bien décidés en continuer à exploiter les plaisirs d'Hawaï, les maladies occidentales faisant des ravages chez les locaux (terrifiantes scènes d'épidémies de rougeoles).

Cette perte de l'âme hawaïenne se confondant avec la fin de cette imagerie paradisiaque est symbolisée par le magnifique personnage de la reine Malama Kanakoa (Jocelyne LaGarde) bourru et attachant mais qui s'étiolera une fois acquis à la foi chrétienne qui contredit tous les préceptes de son existence. La nature semble même se déchaîner au fil de son désarroi, une tempête balayant l'église au moment de sa mort comme pour si Dieu se révoltait contre l'usage fait de sa parole auprès de ces peuplades inoffensives. Le flamboyant score à l'aura quasi biblique d'Elmer Bernstein exprime bien toutes ces passions contrariées.

Le film trace ainsi le parcours initiatique d'Abner responsable à la fois de l'évolution et des maux d'un Hawaï qui ne sera plus jamais comme avant. La mission s'avérera même viciée dès le départ quand on découvrira que le but est finalement l'enrichissement de l'église, brisant l'idéalisme forcené du héros. Une dernière scène poignante laissera néanmoins sur une sur le souvenir d'une action nous signifiant que ce passage n'aura pas été vain. Le film sera un des grands succès de l'année et récoltera sept nominations aux Oscars. George Roy Hill pour sa seule tentative dans ce type de grande œuvre romanesque signe un de ses meilleurs films.

  
Sorti en dvd zone 1 chez MGM et doté e sous-titres français

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