Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 10 mai 2014

La Belle de Saïgon - Red Dust, Victor Fleming (1932)


Séduisante prostituée recherchée par la police de Saigon, Vantine (Jean Harlow) trouve refuge dans la plantation de Dennis Carson (Clark Gable). Vantine et Dennis ne tardent pas à tomber dans les bras l’un de l’autre mais le bel aventurier s’éprend bientôt de l’élégante et inaccessible Barbara Willis (Mary Astor), récemment arrivée sur la plantation avec son mari (Gene Raymond).

La liberté de ton du Pré Code rencontre le souffle romanesque dans la moiteur de l'Indochine coloniale dans cet emblématique Red Dust. Le récit nous place dans un triangle amoureux entre Dennis Clark Gable), propriétaire d'une plantation de caoutchouc hésite entre la sulfureuse Vantine (Jean Harlow) et la plus distinguée Barbara (Mary Astor). Le scénario de John Lee Mahin (adapté d'une pièce de Wilson Collison) fait volontairement de ces trois protagonistes de purs archétypes que les tourments du désir vont développer. Clark Gable incarne ainsi un pur rustre sans manières qui n'a connu que cette existence à la dure dans cette plantation qu'il dirige d’une main de fer. L'arrivée et l'installation inopinée de la prostituée Vantine l'agacera dans un premier avant de reconnaître en elle son égal au féminin, une aventurière ayant roulé sa bosse et capable d'apporter sans s'offusquer un répondant gouailleur à ses manière brutales.

Toute la séquence amenant leur première étreinte est magistrale à ce titre, sous l'agressivité mutuelle de façade se dessinant une complicité qui s'orchestre avec les dialogues (pour un véritable festival de sous-entendus sexuels) mais également le mouvement. Jean Harlow déambule ainsi lascivement dans la pièce, haranguant un Clark Gable immobile mais bouillonnant comme dans un rituel de séduction animale. L'érotisme peut ainsi s'exprimer à la fois quand cette connivence passera par le dialogue et un éclat de rire commun après un festival d'insulte, et bien sûr l'expression de ce désir sauvage qu'ils partagent lorsque Gable empoignement brutalement une Jean Harlow ravie et qui ne se débat que pour la forme.

Un lien aussi évident peut entraîner un vrai amour ou alors une certaine désinvolture par ce qu'on semble déjà connaître par cœur. Vantine sera ainsi victime d'un Dennis sans égard ni respect qui n'y a vu qu'un amusement et la renvoie à sa vie par une tape aux fesses et un petit billet. La relation amoureuse réelle ne semble pouvoir exister qu'en y entraînant des êtres opposés et en confrontant ainsi Dennis à la retenue et aux manières distinguée de Barbara, la femme de son ingénieur. Alors la séduction entre Dennis et Vantine se faisait dans une sorte de mimétisme les plaçant sur un pied d'égalité, la domination et la toute-puissance masculine du "sauvage" Gable s'impose ici à une frêle Mary Astor inconsciemment en attente de cela tant son époux (Gene Raymond) semble fragile et symboliquement impuissant.

Une nouvelle fois Fleming passe de la parole aux actes, les échanges entre Barbara effarouchée et Dennis désinvolte amenant une certaine tension amoureuse qui deviendra érotique lorsque la pluie et le tonnerre permettront à Gable de ployer ses bras virils autour d'une Mary Astor consentante. Celle-ci dégage une formidable sensualité contenue, s'abandonnant de façon coupable à l'étreinte de Gable, arborant un visage effrayé par son propre désir. Une belle ellipse nous la fait redécouvrir plus tard négligemment allongée et arborer un sourire de satisfaction au seul son de la voix de Gable, preuve de la consommation de ce désir adultère.


L'environnement joue un grand rôle dans l'évolution des deux romances. La tempête et la pluie diluvienne qui amène la liaison entre Dennis et Barbara exprime la pulsion et la nature fugace de leur attirance mutuelle. Les éléments météorologiques n'ont pas besoin d'intervenir pour que cette attraction s'exprime entre Dennis et Vantine, elle semble couler de source et si elle semble moins romanesque, cette relation est plus naturelle, spontanée. Cela tiens grandement au jeu percutant de Jean Harlow qui n'est jamais une proie, une chimère ou un fantasme pour Gable mais une vraie partenaire dont le sex-appeal se véhicule autant par le charme vénéneux que l'attitude décomplexée.

Amoureux transi quelque peu figé avec Mary Astor, Gable retrouve sa joyeuse insolence et ses mauvaises manières au contact de Jean Harlow. Cela se confortera même dans l'expression totalement opposée du dépit amoureux chez les deux femmes. On partage un instant la détresse de Vantine lorsqu'elle apercevra Dennis porter Barbara dans sa chambre, mais cette déconvenue se manifestera par quelques remarques désobligeantes bien senties à l'image du côté frondeur du personnage. Le final verra au contraire une expression vaine et violente d'un désappointement semblable pour Barbara, pas aussi dure, incapable de contenir ses émotions et définitivement soumise à Dennis.

Un régal à l'érotisme moite qui fait encore son effet aujourd'hui. Vingt ans plus tard, John Lee Mahin transposera son script en Afrique pour le somptueux remake Mogambo où Gable reprend son rôle, Ava Gardner et Grace Kelly prenant superbement le relai de Jean Harlow et Mary Astor dans cet autre classique.

Sorti en dvd zone 2 français dans la collection Tréso Warner consacrée au Pré-Code

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