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lundi 30 juin 2014

Nos héros réussiront- ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? - Riusciranno i nostri eroi a ritrovare l'amico misteriosamente scomparso in Africa?, Ettore Scola (1968)


Un riche homme d'affaires lassé par son travail, sa famille et son milieu part avec un ami en Afrique à la recherche d'un autre ami disparu dans des circonstances mystérieuses. Ils le retrouvent... en chef de tribu, entourée de ses nombreuses femmes aux formes généreuses. Vont-ils parvenir à ramener leur ami ?

Scénariste émérite ayant déjà participé à des réussites majeures de la comédie italienne (en particulier chez Risi dont le fameux Le Fanfaron (1962), Ettore Scola était passé à la réalisation presque contraint et forcé sur le film à sketch Parlons Femmes (1964). Son ami Vittorio Gassman coincé sur ce projet soudainement dépourvu de réalisateur l'avait ainsi incité à prendre sa chance dans cette œuvre inégale mais présentant déjà son lot de tableaux hilarants notamment un sketch d'introduction parmi les plus drôles jamais vus dans la comédie italienne. Il signerait cependant son premier classique et obtiendrait son premier grand succès avec ce Nos héros réussiront- ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?. Le titre à rallonge résume déjà bien la promesse d'aventure et de distance amusée qui constituera cette féroce fable anticolonialiste.

Le riche éditeur Fausto Di Salvio (Alberto Sordi) s'ennuie ferme entre son métier stressant, la vie mondaine insipide et une famille aux abonnés absents. La monotonie de la vie urbaine lui pèse et il va trouver un prétexte à y échapper en s'envolant pour l'Afrique rechercher son ami et beau-frère qui y est porté disparu depuis trois ans déjà. Il emmène avec lui son comptable et souffre-douleur Ubaldo (Bernard Blier) qui se serait bien passé de cette expédition. Scola déploie alors un bien curieux film d'aventures, à la fois parodie du genre et vraie évasion servant un propos intelligent et corrosif.

Le film sur des tableaux d'imageries colonialistes sur fond de rythmiques tribales africaines, plaçant l'époque de ces hauts faits dans une sorte de mythologie dont Scola n'aura de cesse de se moquer. Ainsi Fausto à peine le pied posé en Afrique se voit affublé en pleine ville d'une ridicule panoplie d'explorateur. Le dépaysement est bien là mais le script (co-écrit par Scola et les célèbres Age et Scarpelli) s'amuse des réactions disproportionnées de Fausto durant son périple. Notre héros s'est nourri de toute la littérature et imagerie de ces grands récits d'exploration et entre envolées lyriques passionnées, citations en latin et larmes versées à la vue d'une cascade, il frise le ridicule plus d'une fois.

Le personnage est sincère dans son enthousiasme forcé et souhaite s'inscrire dans la lignée des grands voyageur d'antan mais est constamment ramené à la dure réalité. D'abord par l'attitude très terre à terre et les remarques acerbes d'Ubaldo (Bernard Blier pince sans rire absolument génial) qui ne pense qu'à sortir indemne de ce guêpier mais surtout par la vraie Afrique qui s'offre à lui. Scola fait le choix de tourner dans une Angola encore portugaise où se dessine un colonialisme hors d'âge et à bout de souffre. Cela ira de la cruauté révoltante (le voyageur portugais sollicitant tout un village pour soutenir un pont afin que sa voiture puisse traverser un fleuve) au pathétique (l'allemande ayant perdue la raison dans son domaine désert) tout en faisant passer le pire avec humour comme ces mercenaires tristement au chômage dans un continent sans guerre à mener désormais.

Le regard de Fausto change ainsi peu à peu, s'arrêtant de rêver cette Afrique pour la regarder enfin. Scola joue également le double-jeu de la parodie/sincérité par les références dont il use. Le rythme trépidant et le ton picaresque fait ainsi penser à une sorte de Tintin au Congo dépourvu du regard condescendant et donc colonialiste envers les autochtones, toujours orné d'une distance, d’un mystère et d'un port respectueux. A l'inverse les européens sont au mieux ridicules à l'image de nos deux héros et pour le pire réellement abjects comme ce le contremaître portugais lors du passage de fleuve. L'autre grande influence ouvertement citée est Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad.

Le disparu Oreste (Nino Manfredi) dieu vivant au cœur de la jungle évoque bien sûr Kurtz tandis que le périple de Fausto est également intérieur puisqu'il se cherche autant lui-même que son ami dans son voyage. Lorsque Conrad est littéralement cité, l'effet est ridicule (Fausto se mettant même un nota-bene en voix off relire Au cœur des ténèbres ) car nous nageons encore dans le fantasme mais le changement va néanmoins s'opérer dans le comportement de Fausto.

En début de film il s'adressera à un indigène pour lui dire à quel point ils sont égaux malgré leur couleur différente mais le paternaliste de l'homme blanc employé tue toute l'ouverture de la tirade. A l'inverse quand plus tard sans un mot il refusera de remonter en voiture avec le contremaître portugais ayant soumis un village, on devinera son indignation et le vrai respect qu'il a pour les africains. De même le rapport changeant entre Sordi et Blier de plus en plus sur un pied d’égalité dans l'adversité montre une vraie évolution, marquée par la défense Fausto plongeant dans la bagarre pour aider son comptable.

 Tout cela est finalement magnifiquement contenu dans le personnage d'Oreste, Manfredi avec ses gris-gris de sorcier de pacotille passant d'abord pour un charlatan (d'autant que le voyage nous a fait découvrir ses différentes carrières et vies sur le continent noir) qui profite de la crédulité des locaux. On découvrira pourtant un être naïf et sincère sous l'excentricité, la dernière scène montrant son réel attachement à cette Afrique qu'il ne peut quitter. Alberto Sordi si à l'aise pour incarner les êtres veules et pathétiques fait montre d'une vraie noblesse et offre une de ses prestations les plus positives avec un personnage qui pour une fois s'améliore et devient meilleur au fil de l'intrigue. On donc déjà là le ton bienveillant de Scola capable de poser un contexte sinistre mais avec des personnages qui ne le sont certainement pas (Nous nous sommes tant aimés (1974), Une Journée Particulière (1977) même le très glauque Affreux, sales et méchants (1976)) et loin des tableaux entièrement désespéré d'un Risi par exemple.

Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Vidéo

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