Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 19 août 2014

Le Commissaire - Il commissario, Luigi Comencini (1962)

Un député meurt dans un accident d'automobile. Mais le commissaire Lombardozzi découvre qu'on l'a assassiné un peu plut tôt, dans un motel. Le coupable est inculpé. Un peu trop vite ?...

Il commissario est une œuvre semble-t-il assez méconnue de Luigi Comencini mais qui s'avère des plus captivante par son mélange surprenant en comédie italienne, film noir et satire grinçante. Le film anticipe grandement la trilogie que consacrera le réalisateur à l'enfance et à la perte d'innocence dans classiques comme L'Incompris (1967), Casanova, un adolescent à Venise (1969) et Les Aventures de Pinocchio (1972 pour la série tv et 1975 pour la version cinéma). Dans chacun de ces films, Comencini confrontait ces jeunes héros à l'imperfection et la noirceur du monde adulte à travers des expériences de deuil et de corruption qui allaient les marquer à jamais, pour le meilleur et pour le pire. Dante Lombardozzi (Alberto Sordi) a lui quitté l'enfance depuis bien longtemps mais Comencini lui confère une forme de candeur et de naïveté qui en font un être bien trop pur pour l'atmosphère corrompue à laquelle il va se confronter. Cette ironie est soulignée dès la scène d'ouverture où sur une musique inquiétante on le voit suivre une jeune femme dans la nuit urbaine, avant que sa maladroite tentative de séduction ne désamorce la tension. Ce sera toute la problématique du personnage tout au long du film, ne pas être pris au sérieux.

Le cadavre d'un député (une scène de meeting où des prêtres trônent aux premiers rangs laisse deviner qu'il s'agit de la Démocratie Chrétienne bien qu'elle ne soit jamais nommée) vanté pour sa morale et vertu est découvert sur un terrain vague abandonné. Pour ne pas salir la mémoire du disparu, il est occulté d'un commun accord entre le parti et la police le fait qu'il se trouvait en galante compagnie avant sa mort et l'enquête est rapidement bouclée avec un automobiliste comme coupable involontaire passant rapidement aux aveux et de toute façon acquitté pour ce qui semble être un malheureux accident. Tout n'est cependant pas si simple pour le sous-commissaire Lombardozzi qui espère bien obtenir une promotion en trouvant le fin mot de l'affaire. Il ne va pas tarder en effet à repérer d’étranges incohérences dans les preuves et les témoignages divers. Pourtant son zèle semble gêner auprès de ses supérieurs et des personnages haut placés ayant côtoyés la victime. Comencini mêle brillamment comédie et fait polar dans un équilibre surprenant. Cela tient grandement à la formidable prestation d'Alberto Sordi.

Son rôle n'est pas sans rappeler celui qu'il tenait dans Une Vie difficile (1961) de Dino Risi à savoir un personnage à contretemps du monde qui l'entoure et là un militant engagé perdu dans l'Italie cynique du boom économique. Dans Le Commissaire le zèle acharné de Lombardozzi est un motif comique permanent pour ses supérieurs qu'il gêne aux entournures. Les rendez-vous manqués avec sa belle-famille d'un Lombardozzi absorbé par son enquête forment également un savoureux running gag. Parallèlement, la trame policière est traitée avec le plus grand sérieux et notre héros mis en valeur par son intuition et ses capacités de déductions. C'est l'occasion de découvrir un envers sordide de ce cadre urbain fait de prostituées, de proxénètes répugnants et d'escroc à la petite semaine, une population dont Sordi va découvrir les liens troubles avec la politique. Comencini s'avère d'ailleurs particulièrement doué pour instaurer une atmosphère urbaine oppressante.

On pourrait s'attendre à ce que le récit tourne vers une dénonciation de la corruption politique mais plus qu'un pamphlet, Comencini orchestre surtout un grand film sur l'hypocrisie. La résolution du crime est moins importante que les efforts faits pour l'étouffer. Pas de grand secret ou de complot mais juste une volonté de maintenir les apparences morales intactes. Lombardozzi va ainsi voir sa propre intégrité questionnée lorsqu'en ayant relancé l'enquête il est effectivement promu alors qu'un innocent croupit sans doute derrière les barreaux. Entre se ranger au tableau d'ensemble et gravir les échelons ou s'opposer mais tout perdre, notre héros va devoir choisir. Le final est d'un tel cynisme que le faux coupable s'avère par ailleurs peu recommandable et mériterait presque son sort. La conclusion est un renoncement pathétique où l'énergie, la vivacité et l'intelligence d'Alberto Sordi s'estompent pour laisser place à son regard éteint et absent.

Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal

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