Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 2 novembre 2014

Edge of Tomorrow - Doug Liman (2014)

Dans un futur proche, des hordes d'extraterrestres ont livré une bataille acharnée contre la Terre et semblent désormais invincibles: aucune armée au monde n'a réussi à les vaincre. Le commandant William Cage, qui n'a jamais combattu de sa vie, est envoyé, sans la moindre explication, dans ce qui ressemble à une mission-suicide. Il meurt en l'espace de quelques minutes et se retrouve projeté dans une boucle temporelle, condamné à revivre le même combat et à mourir de nouveau indéfiniment…

Entre Minority Report (2001), La Guerre des Mondes (2005) et le plus récent Oblivion (2013), Tom Cruise aura montré un penchant certain pour la science-fiction et chacune de ses incursions dans le genre aura donné des résultats marquants. Cela se confirme avec cet excellent Edge of Tomorrow. Adapté du roman japonais All You Need Is Kill d’Hiroshi Sakurazaka, le film mêle science-fiction et film de guerre à travers un concept diablement excitant. Dans un futur proche la Terre mène une lutte désespérée contre une féroce race extraterrestre bien décidé à l’envahir. Lors de l’ultime bataille où tout va se jouer, un soldat inexpérimenté (Tom Cruise) meurt rapidement pour aussitôt ressusciter la veille de la bataille. Fort de ce pouvoir et malédiction dont il n’a pas encore soupçonné l’origine, il va devoir utiliser sa connaissance et compétence croissante pour vaincre l’ennemi au fil de ses multiples reset.

Le roman faisait de son héros un simple bleu qui découvrait le champ de bataille. Le scénario s’adapte ici à l’âge de Tom Cruise pour grandement étoffer son protagoniste. Cage est un gradé de pacotille parachuté à ce titre afin d’assurer le service de communication des armées dans les médias. Une manière d’utiliser son métier de base (publicitaire) et de se tenir aussi loin du front que possible. Cependant il est sollicité par le général Brigham (Brendan Gleeson) pour filmer les troupes sur le terrain le lendemain. 

Non content de se défiler, notre héros tente même de faire chanter le général pour échapper à son sort. La sanction tombe, il est envoyé comme simple soldat à cette bataille désespérée et son cauchemar ne fait que commencer. Tom Cruise s’amuse grandement à effriter son image de bellâtre sûr de lui et arrogant, le regard enjôleur et le sourire en coin dissimulant un lâche qui va en payer le prix. Doug Liman adapte totalement sa mise en scène au point de vue de son héros et de sa découverte du front. 

Les cadrages se font chaotiques, l’avancée est totalement confuse et incertaine à travers le regard apeuré et le corps tremblant de Cage, le réalisateur reprenant, les éléments SF en plus, l’esthétique des images d’archives du Débarquement et s’inspirant grandement d’Il faut sauver le soldat Ryan (1998) de Steven Spielberg. Les corps tombent comme des mouches, les soldats s’agitent en tous sens et les explosions détonent de tout part dans un parfait sentiment de confusion où l’inexpérience d’un Cage ahuri est parfaitement retranscrite. Lorsque surgit l’ennemi extraterrestre, la terreur face à leur terrible vélocité et le mystère dégagé par les plus puissantes renforcera ce sentiment d’impuissance jusqu’à une mort inévitable, et un réveil inattendu la veille des évènements.

Doug Liman s’était essayé aux redites narratives et au jeu sur les points de vue dans Go (1999) et applique la recette avec une vraie virtuosité dans Edge of Tomorrow. Le scénario use ainsi de toute les possibilités possibles et imaginables pour Cage qui va tenter sans succès d’avertir ses supérieurs, de profiter de sa maigre expérience pour survivre un peu plus longtemps, de carrément s’enfuir mais avec la mort et le retour à la case départ comme seule conséquence à chaque fois. Liman sait jouer de manière dramatique et ludique de cette répétition. Au fil des aptitudes guerrières croissante de Cage, certain moments identiques sont filmés de façon totalement différente. Lors du premier parachutage Cage terrorisé s’effondre comme un personnage de cartoon, tétanisé par la peur et alourdit par son massif exosquelette de combat (qui ressemble d’ailleurs diablement à ceux dépeint par Robert Heinlein dans son Starship Troopers mais pas utilisé par Verhoeven dans son adaptation). 

Au bout de trois boucles temporelles, dans ce même passage Cage atterrit droit sur ses jambes, véloce et à l’affut du danger. Ce principe d’apprentissage servira donc grandement à ridiculiser notre héros n’avançant qu’au fil d’une connaissance de plus en plus accrue du terrain, avec son lot de morts ridicule (cette roulade mal négociée sous un camion, fous rires garantis) et d’humiliations. Le film est ainsi une des retranscriptions les plus fidèles à des fins narratives des préceptes du jeu vidéo. Pas forcément dans l’esthétique mais surtout dans l’esprit, en particulier les jeux de plateformes des 80’s et 90’s (Super Mario, Sonic et autres Alex Kid) où chaque manœuvres approximatives, chaque erreur se paie par la reprise de la partie depuis le départ. Cet esprit sera également de mise lors de l’ultime affrontement où Cage ne pourra plus compter sur son pouvoir et devra terminer la guerre/le jeu avec une seule « vie ».

Le récit déjà très ludique atteint une profondeur insoupçonnée en rendant progressivement plus touchant le drame de Cage à travers la romance platonique entretenue avec Rita Vrataski (Emily Blunt à la présence farouche et élégante). Cette dernière, ancienne détentrice du pouvoir et guerrière redoutable sera le seul atout et compagnons d’armes de Cage. Elle va impitoyablement l’aguerrir au fil des boucles temporelles, mais quand lui apprend à la connaître et s’attache de plus en plus, il reste un relatif inconnu pour elle.

Liman après avoir été relativement linéaire pour le spectateur dans la progression des boucles nous fait volontairement perdre le fil pour signaler le rapprochement d’abord de manière comique (les phases d’entraînements), puis dramatique des deux protagonistes. La force du film est de ne jamais surligner cela, on devine de manière sous-jacente la connaissance accrue et donc l’affection que ressent Cage pour Rita. Cette femme qui a péri sous ces yeux de des centaines de fois et pour qui il reste un homme qu’elle connaît à peine, est pourtant au fil des boucles la personne qu’il connaît le mieux. 

L’enjeu du récit bascule ainsi, Rita entièrement guidée par la mission alors que toutes les actions de Cage ne visent plus qu’à la sauver. La scène clé sera ainsi celle de la cabane, où avec une subtilité idéale Liman laisse s’exprimer ces sentiments contrariés. L’attitude de Cage trahit sa connaissance de l’issue (la mort inévitable de Rita) et la manière dont cela lui fait retarder la mission quand Rita ne partage pas le même passif. C’est finalement une histoire d’amour à sens unique sobre et touchante qui se dévoile là dans l’urgence de l’aventure. Liman avait déjà montré son talent à dépeindre un couple naissant dans La Mémoire dans la peau (2002 et meilleur volet de la trilogie Bourne) voire même Mr et Mrs Smith (2004) et insère un spleen inattendu dans cette grosse machinerie guerrière.

Incompétent au départ pour sauver sa propre vie, trop limité pour renverser le cours de cette guerre, Cage gagne ainsi ses galons de héros par amour. Liman le filme sous les angles les plus iconiques qui soient, un guerrier impitoyable loin du pleutre originel. Le scénario (signé entre autre par Christopher McQuarrie partenaire de Cruise sur Walkyrie (2007) et Jack Reacher (2012)) en laissant poindre le drame s’accorde ainsi des respirations surprenantes (Cage profitant d’une de ses « journées » pour prendre un verre et assister à la fin du monde en ville) et réussit à relancer constamment l’action par la découverte du fonctionnement des aliens.

Le tout se tient avec une rigueur magistrale où seule la résolution prêtera à discussion (mais que le romantique qui s’ignore acceptera et qui se tient tout de même) dans un récit diablement efficace et plus profond qu’il n’y parait (la lecture de la transposition manga de la même histoire bien inférieure atteste de la grande réussite du film). Tom Cruise et la SF, une bonne pioche de plus dans un des spectacles les plus excitants de l'année. 

Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Warner

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