Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 24 février 2015

Violette et François - Jacques Rouffiot (1977)

Violette vit avec François, un jeune homme instable. Ils volent dans les grands magasins, autant pour assurer leur subsistance que par jeu antisocial...

Durant les années soixante-dix, le scénariste Jean-Loup Dabadie triomphe en signant les scripts de grands succès populaires, en particulier pour Yves Robert (Salut l’artiste (1973), le diptyque Un éléphant ça trompeénormément/ Nous irons tous au paradis (1976, 1977) et Courage fuyons (1979)) et Claude Sautet (Les Choses de la vie (1970), César et Rosalie (1972), Vincent, François, Paul... et les autres (1974) et Une histoire simple (1978)). Entre ces grosses machines, il décide de s’accorder une « parenthèse enchantée » avec  le scénario-roman de Violette et François. Trop sérieux pour Yves Robert et à l’inverse pas assez grave pour Sautet, Violette et François recèle néanmoins une continuité avec les films que Dabadie écrivit pour eux avec cette figure d l’adulte inadapté à la vie, mal dans son quotidien. Pour faire court le romantisme joyeux et tourmenté de César et Rosalie côtoie le spleen de Vincent, François, Paul... et les autres. Jacques Rouffiot dont c’est le troisième film sera un choix étonnant tant ces œuvres précédente semblent éloignées de cet univers (L'Horizon (1967) et Sept morts sur ordonnance (1976)) mais saura donner un résultat poignant.

Violette (Isabelle Adjani) et François (Jacques Dutronc) sont deux jeunes gens qui s’aiment d’un amour passionné et orageux. La violence des séparations est à la mesure de l’ardeur des retrouvailles, leur environnement s’estompant alors y compris leur bébé. Sans vraie trame directrice, le récit est hésitant à l’image du quotidien sans but des personnages. Leur fougue juvénile et insouciance est progressivement rattrapé par les obligations ordinaire de l’âge adulte : trouver un travail, un logement stable, se nourrir au quotidien…

Notre couple n’y semble pas préparé mais pendant un temps n’en a que faire, jusqu’à un éveil progressif et douloureux aux réalités. Jacques Dutronc est excellent avec ce personnage reflet de sa propre désinvolture goguenarde mais frappé d’une mélancolie et vulnérabilité qu’aura toujours su dissimuler la star. C’est un vrai être romanesque qui dépérit peu à peu face à l’insignifiance de la vie « normale » et des boulots minables qu’il ne garde pas bien longtemps. Dès lors la seule aventure, la seule adrénaline qu’il peut ressentir se déroulera lors de ses vols à l’étalage en magasin. Isabelle Adjani est aussi expressive et tourmentée que Dutronc sera secret et taiseux, une boule d’émotivité à vif. Dans cet élan passionné, elle suivra un temps son compagnon dans ses larcins. 

Jacques Rouffiot apporte une atmosphère et un tempo très particulier au récit. Le ping pong verbal, les gags et la complicité charnelle du couple rythme le début du film. Lorsque la médiocrité ordinaire s’installe la présence de l’autre ne suffit plus et sa caméra suit avec une certaine virtuosité et en instaurant une vraie tension les vols du couple, tout en restant très ludique. Ce besoin d’artifice extérieur signe pourtant leur éloignement inexorable tant cette exaltation n’est pas partagée, et surtout dangereuse. Rouffiot par son montage inventif amène aussi une énergie très inventive à son film. La scène d’ouverture donne le ton avec Violette quittant avec fracas son travail, le découpage saccadé lorsque François est pour la première fois près de se faire arrêter conforte ce côté ludique, ce sentiment d’ivresse associé au couple (le quasi insert qui montre la rupture de Violette d’avec sa famille nantie pour François). 

Plus les vols se substituent à une vraie vie de famille apaiser, moins leur mise en image se fait virtuose, avec pour le dernier méfait une simple course poursuite en François et deux policiers en magasin. Cela semble aussi signer le point de non-retour pour nos amoureux. Sous la romance contrariée, le film fait un constat social assez visionnaire sur la société de consommation. Si les premiers vols concerne l’alimentation et une volonté de subsister, tous les autres seront totalement gratuit, « pour le sport » en quelque sorte et visant des objets luxueux et ou à la mode : parfums, premiers walkman du marché, diamant de platine vinyle.

Rien d’indispensable donc mais le vol en lui-même permet de se sentir vivant et posséder ses divers objets d’exister. Un destin peut viable sur la longueur et qui conduira le couple dans le mur. Une œuvre délicate où l’on sent la filiation avec les titres cités plus haut, mais qui par ses héros juvénile, son ton percutant et son milieu modeste trouve sa propre voie avec brio.

Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa

Extrait

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