Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 18 juin 2015

À cor et à cri - Hue and Cry, Charles Crichton (1947)

Joe Kirby, 15 ans, est un lecteur assidu du journal The Trump, et notamment des bandes dessinées policières qui y figurent. Un jour, dans la rue, tout en lisant sa revue, il remarque une plaque d'immatriculation en tout point similaire à celle de l'aventure qu'il est en train de lire. Son imaginaire débordant, et l'esprit aventureux de ses camarades de bande, vont le convaincre qu'une association criminelle se cache derrière cette publication d'apparence anodine, et que c'est à lui de résoudre le mystère !

La Ealing jusque-là un studio à la production versatile ne deviendra le terreau de la comédie anglaise qu’avec le succès de Passeport pour Pimplico (1949). Hue and cry est une œuvre de transition qui précède ce changement, aventure policière enfantine plutôt que pure comédie, le film annonce cependant le mélange de satire sociale et contexte réaliste qui fera le sel des meilleurs comédies Ealing. Le lien se fait par la présence du scénariste T.E.B. Clarke, à l’œuvre sur Passeport pour Pimplico et d’autres grandes réussites du studio comme De l’or en barre (1951) ou Tortillard pour Titfield (1953).

Le jeune Joe Kirby (Harry Fowler), féru des bd policières du journal The Trump va un jour constater les étranges similitudes entre des éléments de son quotidien et les trames criminelles de sa revue. En effet, la plaque d’immatriculation des voleurs de l’histoire qu’il lit passe sous ses yeux à sa plus grande stupeur. La bascule de la fiction au réel se fait symboliquement en reproduisant à l’image une bulle de bd signifiant l’imaginaire débordant de Joe dont les aspects vont pourtant bien se retrouver dans la trame policière du récit. Les criminels usent en effet des récits policiers pour échanger des messages codés quant à la préparation de leurs futurs méfaits. Forcément seuls les jeunes lecteurs seront capables de détecter la supercherie et, pas pris au sérieux par les adultes vont devoir jouer les détectives en herbes. Les futurs films du Free Cinema mettant en scène les angry young men au début des 60’s montraient de jeunes adultes en rébellion contre une société résignée et endormie après l’expérience des privations de la guerre. 

Hue and cry anticipe presque cela avec ses enfants dénigrés par les adultes quels qu’ils soient (policiers, parent) tous plus préoccupés à survivre qu’à observer ce qui se passe autour d’eux. Ce traumatisme de la guerre imprègne le récit, autant dans la caractérisation des enfants (le traumatisme du Blitz se devinant lorsque le jeune Alec s’amuse longuement à imiter les bruits de fusillades et de bombardements d’avions) que dans l’arrière-plan du film et ce Londres en reconstruction et parcourus de ruine. Un terrain de jeu idéal pour nos chérubins et qui fait presque basculer le film dans un néoréalisme à l’anglaise, sauf que l’ensemble est abordé de manière ludique avec ce jeu de piste trépidant à travers Londres. Le film est ainsi une réponse aux inquiétudes d’alors des adultes envers ses jeunes sauvageons livrés à eux même dans les ruines, mais au contraire T.E. Clarke annonce déjà les communautés isolés et vaillantes des productions Ealing à venir avec ce groupe de détective en herbe.

Cette imagerie documentaire se conjugue à celle d’un vrai film noir (parfois dans la même séquence comme lorsque les enfants filent Miss Davis dans le quartier de Holborn en travaux), l’aspect ludique de l’ensemble n’empêchant pas les vrais moments inquiétant. Tant que le doute règne cela peut être désamorcé comme la pure ambiance gothique de la première rencontre avec l’écrivain incarné par Alastair Sim, ce dernier se déchargeant d’ailleurs de toutes responsabilités comme tous les adultes du film (dans une même logique tous les criminels sous-estimeront l’astuce des enfants). 

Les atmosphères urbaines se font diablement oppressantes et ténébreuses, notamment une traversée des égouts où ressurgissent toutes les terreurs enfantines. Les truands aux mines patibulaires son mis en image de la façon la plus outrées, grotesques (dans cet esprit bd) mais aussi inquiétantes dans les effets expressionnistes de Charles Crichton. 

Les gamins, gouailleurs et débrouillards sont très attachants et débordants de naturel, en particulier Joe interprété avec une fougue communicative par Harry Fowler. Crichon rend chacun immédiatement identifiable qu’ils soient nommés ou pas en capturant une bouille poupine, une attitude. Cette idée culmine lors du mémorable final où une véritable armée de gamins va se dresser face aux criminels dans un joyeux esprit d’entraide au cours d’une bagarre homérique (le score de Georges Auric prenant de beaux élans épiques). 

L’ultime face à face entre Joe et le chef des bandits dans un immeuble éventé offre d’ailleurs la fusion parfaite entre cette approche réaliste et la stylisation d’un décor dans un pur objectif de suspense. Le geste victorieux signifiera d’ailleurs de fort belle manière la prise en main de la jeune génération. Un sacré bon moment que ce Club des Cinq londonien.

Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa

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