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jeudi 24 décembre 2015

A Most Violent Year - J.C. Chandor (2014)


New York, hiver 1981. Abel Morales est un entrepreneur hispanique dont l'activité de livraison de fuel domestique est en expansion. Il est sur le point de conclure le rachat d'un ancien terminal de livraison, en bordure du fleuve et contigu à son implantation. Mais, dans un secteur économique peu regardant sur les méthodes, ses camions se font détourner de plus en plus fréquemment. Or Abel s'est toujours attaché à respecter une très stricte ligne de conduite.

A Most Violent Year confirme que J.C. Chandor est un des cinéastes américain les plus passionnants apparus ces dernières années. Ce troisième film revisite une thématique déjà abordée dans ses précédents essais. Margin Call (2011) montrait la prise de conscience d’une poignée de personnage de la situation critique de la Banque d’Investissement qui les emploie, les seuls clairvoyant d’un monde de la finance plongeant dans la crise sans l’avoir vu venir. All is lost (2013) creusait le même sillon dans une veine plus radicale, le navigateur Robert Redford faisant cette fois seul face aux éléments déchaînés dans un vrai tour de force narratif avec un film quasi muet et un héros seul à l’écran. A Most Violent Year fut inspiré par des conversations qu’eu Chandor avec des personnes ayant monté des entreprises dans le New York du début des 80’s gangrené par la violence. Il y voit donc une manière différence d’illustrer sa figure de héros solitaire et vertueux, cette fois confronté à un monde criminel.

Ce sera Abel Morales (Oscar Isaac) entrepreneur d’origine hispanique sur le point de conclure un deal historique dans son activité de transport de fuel domestique. Il a 30 jours plus finir de payer le site situé dans un cadre stratégique en bordure de fleuve, mais de nombreux obstacles vont s’interposer. Ses chauffeurs sont victime d’attaques possiblement mandatées par des concurrents, le procureur entame une enquête sur la légalité de ses affaires et tout cela est propre à menacer le soutien indispensable de la banque pour financer son crédit. S’arranger avec la loi pourrait être un possible moyen de résoudre plus rapidement ses problèmes (notamment armer ses chauffeurs) mais Abel s’y refuse, souhaitant réussir force de volonté, sincérité et rectitude morale. La scène où il briefe ses commerciaux de cette attitude, leur enjoignant à convaincre les clients par la nature irréprochable de leur service plutôt qu’une poudre aux yeux quelconque. 

Face à la corruption et la violence qui régit son milieu, il sera dur de maintenir ce cap. Si les concurrents font figure de mafieux en puissance (voir cette réunion au restaurant qu’on croirait échappée du Parrain ou des Affranchis), Abel devra tout autant se méfier de son entourage. Au stoïcisme d’Oscar Isaac répond le tempérament volcanique de l’épouse jouée par Jessica Chastain, fille de gangster qui a gardé les codes d’intimidations de la rue. Une scène clé démontre leur approche différente lorsqu’ayant renversé accidentellement un cerf, Abel trop cérébral et sensible hésite à achever la bête quand Anna l’abattra froidement d’un coup de revolver. 

Cette opposition crée une tension latente aussi fébrile que la vraie menace pesant sur les personnages. Cette violence vient donc de l’extérieur, est difficilement étouffée dans son foyer et s’avérera aussi bien présente au cœur de son entreprise. Le chauffeur Julian (Elyes Gabel), terrorisé après avoir été braqué et qui va répondre par les armes. Le personnage est le miroir déformant d’Abel, par sa faiblesse de caractère où la peur trouve son vain refuge dans la violence mais également par l’image de l’émigrant hispanique ambitieux mais raté par rapport à l’image de réussite du héros.

Chandor filme New York dans cette même dualité séparant Abel de ses interlocuteurs. Les décors déserts, l’atmosphère de désolation hivernale (lorgnant sur Le Prince de New York (1981) de Sidney Lumet tandis que la droiture d’Abel rappellera Serpico (1973)) et ces lieux publics sinistrés semblent le reflet d’une ville à bout de souffle, sur le déclin et gangrenée par des maux profonds. Cependant ce New York n’est pas non plus l’antichambre des enfers tel que dépeinte par Scorsese dans Taxi Driver (1976), l’élégante photo de  Bradford Young donnant un contour plus lumineux à cette urbanité comme pour représenter l’espoir, le renouveau à venir de la ville représenté par Abel. Par sa droiture, Abel représente la poursuite du rêve américain dans ce qu’il a de plus noble, son intransigeance morale pouvant être rapprochée de Gary Cooper dans Le Rebelle (1949) de King Vidor. 

Chez Vidor cette quête de perfection fait basculer le héros dans une forme d’abstraction, plus représentatif d’une idée (l’objectivisme, philosophie d’Aynd Rand auteur du roman) que d’un vrai personnage. Chandor rend Abel plus vacillant, plus humain dans les épreuves qu’il rencontre et sa rectitude n’en sera que plus forte. Ainsi c’est précisément en épargnant plutôt qu’en se vengeant d’un agresseur de ses camions qu’il aura le fin mot du complot, Chandor ayant néanmoins introduit une certaine ambiguïté lors de la poursuite qui précède (superbement filmée dans l’esprit d’un French Connection (1971)) quand Abel ramasse un revolver et hésite presque à tirer. La conclusion sèmera d’ailleurs le doute, les fondations viciées de la réussite d’Abel ne l’enfonçant pas mais le sauvant. Le personnage conserve sa pureté tout en se rapprochant dangereusement de ce à quoi il a cherché à échapper. Subtil et anti manichéen, une grande réussite à rapprocher de l’immense The Yards (2000) de James Gray. 

Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Studiocanal 

 

4 commentaires:

  1. J'ai toujours beaucoup de mal à classer par ordre de préférence les films vus sur l'année mais A Most Violent Year de J.C. Chandor est peut-être celui que j'ai le plus aimé au cinéma !

    Je vois que tu es en pleine lecture des Mystères d'Udolphe, un livre que je n'ai pas encore lu. J'espère que tu en diras un mot, ici ou ailleurs, car il me tente depuis longtemps.

    D'ici là, tous mes meilleurs vœux Justin :)

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  2. Oui clairement un des meilleurs film sorti cette année, si tu ne les as pas vu je te recommande vivement ses deux précédents films Margin Call et All is lost.

    Pour "Les Mystères d'Udolphe" j'en toucherais un mot oui, Ann Radcliff c'est vraiment prenant un mélange de littérature romanesque, feuilletonesque et de roman gothique avec héroïne pure et innoncente en proie à des méchants haut en couleur le tout dans une atmosphère gothique oppresante ça le fait bien. Je débute tout juste celui là mais ça le fait bien, peut être vaut il mieux se lancer avec son autre roman le plus connu "Les Mystères d la forêt" qui est excellentissime.

    Et meilleurs voeux à toi aussi ;-)

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    1. Je n'ai pas vu ses précédents films, je vais les noter car le réalisateur a visiblement des choses à dire et il le dit très bien.

      Merci aussi pour les conseils de lecture. Lire un bon roman gothique en fin d'année, lorsque les soirées sont les plus longues, c'est juste le bon moment. Dans le genre approchant, mais lorgnant plus du côté de la fantasy, je te conseille fortement la trilogie de Mervyn Peake (Titus d'Enfer, Gormenghast et Titus errant). Quelles perles de la littérature anglaise, sans oublier les superbes illustrations de l'auteur.

      Sur ce, à bientôt Justin :)

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  3. Merci des conseils littéraires également je note tout ça ! :-)

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