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vendredi 29 janvier 2016

La Femme modèle - Designing Woman, Vincente Minnelli (1957)

Michael Hagen, reporter sportif, et Marilla Brown, dessinatrice de mode, se marient sur un coup de tête, peu après leur rencontre. Les heureux époux découvrent assez rapidement qu'ils n'ont rien en commun. Marilla déteste le milieu de la boxe et Michael ne supporte pas les relations professionnelles de sa femme. L'exiguïté de son studio l'a conduit à emménager dans le luxueux appartement de son épouse. Il s'y sent très vite mal à l'aise.

Vincente Minnelli signe une de ses comédies les plus irrésistibles avec ce charmant Designing Woman. Le sujet est amené par Helen Rose, célèbre costumière de la MGM et collaboratrice régulière de Minnelli dont George Wells va tirer un scénario. L'histoire en conjuguant humour et timing de screwball comedy et la recherche esthétique de ses comédies musicales. Le scénario est une merveille dans la description de l'opposition des contraires à travers le couple formé par Gregory Peck et Lauren Bacall. Si l'ouverture avec les différents protagonistes se présentant face caméra annonce des évènements fâcheux, la romance initiale escamote astucieusement les différences entre le journaliste sportif Michael Hagen (Gregory Peck) et la dessinatrice de mode Marilla Brown (Lauren Bacall).

Le cadre idyllique de la Californie ensoleillée offre un arrière-plan radieux pour s'aimer, le jeu sur les ellipses (le séjour prolongé de Lauren Bacall qui ne peut plus quitter son homme), le sens du détail (Lauren Bacall et son appétit dévorant quand elle est amoureuse) et les idées narratives (la voix-off intérieure en contrepoint charmant trahissant leur émotion notamment Gregory Peck devinant les sentiments de Bacall après sa copieuse commande au restaurant) rendant touchante cette romance express aboutissant à un mariage improvisé.

Une fois le couple revenu dans son cocon New Yorkais, Minnelli va reprendre et décupler tous les éléments qui les ont réunis pour les faire s'affronter. Le déséquilibre sera graduel notamment par leurs classes sociales opposées, huppée pour Lauren Bacall et plus populaire avec Gregory Peck. L'appartement encombré de célibataire de Gregory Peck fait peine face à celui espacé et luxueux de Lauren Bacall, cette dernière sort horrifiée d'un match de boxe qu'il commente quand lui s'ennuiera ferme lors d'un de ses interminables défilé d mode. Quand les amis des uns et des autres cohabitent dans la même pièce, là encore l'effet comique naît de la partie de poker enfumée et macho de Peck face à la lecture de pièce de théâtre des amis artistes de Bacall. Minnelli amène cet entrechoquement des mondes par son jeu sur l'espace et la caractérisation, les artistes investissant progressivement la pièce (notamment avec l'excellent personnage de chorégraphe joué par Jack Cole) tandis que les gens du commun imposent les personnalités les plus grotesques comme l'attachant boxeur retiré Maxie Stultz (Mickey Shaughnessy).

L'explosion est pourtant à chaque fois évitée grâce aux sentiments du couple, en tout cas jusqu’à ce que la jalousie s’en mêle avec l’ex-petite amie Lori Shannon (Dolores Gray). La satisfaction et lâcheté ordinaire masculine ainsi que l'acuité féminine sont brillamment croqué par Minnelli dans ce jeu constant sur ce qui est pensé et montré. Peck aura beau feindre rencontrer pour la première fois Lori Shannon, Bacall a tout compris en un regard et une scène banale devient un génial moment de tension et de gêne. La psychologie très différente des sexes opposés revêt le même mordant lors d'un dialogue où Lauren Bacall mène la conversation vers des aveux possibles de Gregory Peck sur cette ancienne liaison, mas lui pensant au contraire que ce n'est certainement pas le moment de s'épancher.

Gregory Peck (qui obtint le rôle après le retrait de James Stewart et Cary Grant initialement envisagés) est excellent dans un registre comique pas si souvent exploité de sa part, détournant ce qui fait habituellement le charisme de ses personnages (la présence physique virile, le flegme, l'éloquence) pour devenir des tares témoignant de son incompréhension du psychisme féminin. De même Lauren Bacall (qui elle supplante une Grace Kelly fraîchement princesse ce qui lui vaudra la phrase She got the prince, I got the part) égratigne aussi l'image de séductrice glaciale qu'on lui connaît (mais loin d'être son seul registre), absolument craquante d'imperfection tant dans le registre énamouré que la jalousie et la mauvaise foi.

La mise en scène de Minnelli par son audace constante dynamise constamment le récit. Les trouvailles sont légions, dans le comique immédiat et franchement tordant (les lendemains de gueule de bois de Gregory Peck où le moindre bruit devient tonitruant) que dans une sorte de génie pour l'effet à retardement parfois inattendu ou d'autant plus hilarant parce qu'on l'a vu venir de loin (Gregory Peck trahi par un chien récalcitrant et une chaussure trouée). Le moment où Lauren Bacall démaque sa rivale en reconstituant sa silhouette par le souvenir d'une photo déchirée relève ainsi du pu génie renforcé par le jeu outré de l'actrice qui renforce la drôlerie de la scène.

L'intrigue policière bien intégrée à l'ensemble est néanmoins plus bancale mais elle conduit à un climax très réussi. Minnelli retrouve ses réflexes de comédie musicale dans la grande bagarre finale où non content de gérer parfaitement ses gags (Maxie Stultz boxant alliés comme ennemis sans distinction) il fait de la joute une véritable chorégraphie qui culmine avec l'arrivée du virevoltant danseur qui va corriger tout le monde dans un style comique et martial qui annoncerait presque les facéties d'un Jackie Chan. Un très bon moment donc, bourré de charme et mené tambour battant.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

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