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mercredi 6 janvier 2016

Traqué dans la ville - La città si difende, Pietro Germi (1951)

Quatre hommes commettent un vol dans la caisse d'un stade de football, puis prennent la fuite. Chacun de leur côté, ils vont tenter d'échapper à la police...

Pietro Germi sera passé à la postérité pour ses brillantes et cinglantes comédies, bousculant avec brio les travers sociaux de l’Italie d’alors dans Divorce à l’italienne (1961), Séduite et abandonnée (1964) ou encore Signore e signori (1966). Des œuvres qui lui valurent entre autres une Palme d’or  (pour Signore e signori) et un Oscar du meilleur scénario original (pour Divorce à l’italienne) mais qui ne constituent finalement que les îlots d’une filmographie bien plus riche. Pietro Germi aura ainsi donné avec un égal brio dans le néoréalisme tardif dans le magnifique Le Disque Rouge (1956) et témoigné d’une vraie influence du cinéma américain à travers ses incursions dans le film noir comme Meurtre à l'italienne (1959) ou ce Traqué dans la ville.

Le film constitue un avatar italien des films noirs américain mettant en scène un casse et son inéluctable échec comme Quand la ville dort (1950) de John Huston, Le Coup de l’escalier (1959) ou L’Ultime Razzia (1956). On pense aussi parfois à la veine documentaire de certain des premiers polars d’Anthony Mann avec cette voix-off commentant les actions de la police. Le hold-up ouvre ici le film avec quatre hommes volant la recette d’un match de football pendant le déroulement de celui-ci. Dès cette entrée en matière, on constate la manière dont Germi va s’approprier la fatalité propre au film noir.

Les malfrats ont bon repartir avec le butin, le fait qu’ils ne soient pas des professionnels du crime se ressent à travers leurs extrême fébrilité (se manifestant par la violence, la gestuelle vacillante et les regards apeurés) mais aussi par un manque de préparation certains (leur manière hasardeuse de quitter le stade comme si la topographie des lieux n’avait pas été étudiée avant le coup, l’absence de plan de fuite et point de chute) faisant de cette réussite un coup de chance. Malgré tout, s’ils sont recherchés par la police ils n’ont pas été identifiés et pourraient s’en sortir avec un peu d’organisation. Il n’en sera rien et Germi prolonge tout au long du récit l’angoisse et la tension latente de la scène d’ouverture. 

La fatalité n’est ici pas forcément due à un destin capricieux mais surtout à la désunion et à l’inexpérience des apprentis criminels. Le réalisateur dresse un vrai crescendo dramatique où chacun des protagonistes faillira et se fera prendre par orgueil, lâcheté ou égoïsme. La mise en scène de  Germi se déploie ainsi avec sécheresse, émotion et cruauté selon la faiblesse témoignée par les fugitifs, chacun ayant une sortie en rapport avec le travers qui le perdra. La star de football déchue Leandri (Renato Baldini) après avoir fait montre d’une brutalité et tension palpable voit son sort scellé d’un coup de feu en hors-champ, trahi par celle (Gina Lollobrigida) vers qui il était immédiatement venu se vanter de son éphémère richesse. 

Plus dramatique sera le sort de ce père de famille (Fausto Tozzi)  condamné par une culpabilité qui le ronge et qui en finira dans une pure séquence naturaliste, dans une plaine déserte frappée par un soleil inquisiteur. L’intelligence sournoise du professeur (Paul Muller) se ressent en filigrane tout au long du récit, mais c’est bien lorsqu’il fera preuve d’un égoïsme froid que Germi déchaîne cette fatalité impitoyable sur lui. Germi n’en reste cependant pas à cette démonstration implacable et laisse s’exprime son humanisme le temps d’un beau flashback mais aussi du sort final du plus jeune des malfrats, dont la vulnérabilité semble pouvoir faire échapper à l’impasse de ses acolytes. Une dernière scène poignante ou finalement le seul faisant preuve de fragilité, d’humanité et ayant un entourage pour lequel il se préoccupe au-delà de son propre sort peut avoir un possible salut.

Une chape de plomb inéluctable et la mort pèse sur le récit à travers l’urbanité inquiétante dépeinte par Pietro Germi. La manière qu’a le réalisateur de capturer son environnement relève d’un traitement naturaliste dont la sophistication (les ombres que dessinent la belle photo de Carlo Montuori) amorce ce climat mortifère et cette issue implacable. Une belle réussite et une preuve de plus du talent protéiforme de Pietro Germi avec cette œuvre plus méconnue. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa
 

6 commentaires:

  1. Pietro Germi est un grand cinéaste qui ne m'a pas encore déçu.J'ai vu tous les films que vous citez mais celui-là, je dois me m'acheter, c'est sur la liste !

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  2. Et la déception ne sera pas au rendez-vous pour clui-là on retrouve le regard cinglant de ses comédies mais dans une pur veine de film noir tendu à bloc ça devrait tout autant vous plaire. C'est bien que des éditeurs franais se penchent sur cette partie plus méconnue de sa filmographie.

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  3. Acheté et vu hier soir. magnifique exercice de style à l'américaine (on pense en effet aux films US que vous citez)sur fond de critique sociale. Noir et implacable. Apre et tendu (85 mn).Belle photo.Une note d'espoir à la fin..en sauvant le jeune Alberto. Concession au producteur, à la mamma italienne ? Encore un trés bon film de Germi. De plus en plus convaincu que Germi est dans la cour des grands.

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  4. Content que le film vous ait plu, et bien d'accord sur le statut de Germi. Je vous recommande d'ailleurs cet excellent livre (un des seuls si ce n'est le seul en français) consacré à Germi, plus centré sur ses comédies dont j'avais parlé ici http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2012/07/pietro-germi-et-la-comedie-litalienne.html

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    1. Merci pour l'info pour le bouquin.
      Autre film italien vu récemment et qui m'a beaucoup touché, que je trouve trés réussi. Les enfants nous regardent de V. De Sica.

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    2. Oui un beau De Sica méconnu je l'avais évoqué ici sur le blog http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2014/10/les-enfants-nous-regardent-i-bambini-ci.html

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