Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 30 avril 2017

Sur la piste des Comanches - Fort Dobbs, Gordon Douglas (1958)

Gar Davis, poursuivi par la loi, traverse le territoire comanche. Trouvant un cadavre, il s'empare de sa veste et réussit ainsi à se dérober. Sa fuite le conduit dans un ranch où il fait la connaissance de Celia Gray et de son enfant. Ce qu'il ignore, c'est que le mort qu'il vient de détrousser était le mari de son hôtesse…

Fort Dobbs est un western typique de l'approche du scénariste Burt Kennedy qui l'écrit entre les sommets du légendaire cycle Bud Boetticher/Randolph Scott - Sept hommes à abattre (1956), L'Homme de l'Arizona (1957), Decision at sundown (1957), L'Aventurier du Texas (1958), La Chevauchée de la vengeance (1959) et Comanche Station (1960). On en retrouve donc forcément plusieurs éléments, construction reposant sur le voyage/course poursuite et cohabitation forcée, héros taciturne et ambigu, antagoniste gouailleur et libidineux, tension sexuelle sous-jacente... Mais alors que les pourtant déjà très concis films de Boetticher laissaient malgré tout une certaine place à la mélancolie (tant par les conclusions douces-amères que par l'interprétation de Randolph Scott), Sur la piste des Comanches va plus loin en adoptant totalement le point de sec et efficace de son héros.

 
Les non-dits chers à Burt Kennedy (les actions des personnages servant leurs vraie nature plus ce que le point de départ donne à voir) fonctionnent donc à plein avec cette ouverture illustrant la brutalité et la détermination de Gar Davis (Clint Walker). On ne saura rien de plus que sa recherche d'un homme dont il souhaite se venger, la raison restant obscure et ladite vengeance restant en hors-champs. Sa manière habile et froidement rationnelle de se débarrasser de ses poursuivants complète le tableau, un échange de veste avec un cadavre victime des comanches le faisant passer pour mort. Le physique massif de Clint Walker (1m98, visage carré et regard glacial) ajoute encore à cette idée et l'ensemble du film tout dévoué à son efficacité n'aura de cesse par petites touches de l'humaniser. Point de dialogues explicatifs, de psychologie ou de lamentations cependant, tout se révèle par l'action et le mouvement. Le tueur froid qu'on a cru deviner détourne ainsi sa cavale pour sauver Celia Gray (Virginia Mayo) et son fils menacés en territoire comanche. Alors que le regard du spectateur se fait plus bienveillant pour Davis à l'inverse la méfiance nait dans celui de ces compagnons de route à la suite d'un rebondissement habile.

 
Ce qui va les lier malgré eux, c'est la menace comanche que Gordon Douglas filme avec une efficacité redoutable. La tension reposera à la fois sur l'attente (la fuite dans la ferme, le calme fébrile avant la bataille lors du final au fort) et le mouvement, Douglas alternant avec brio statisme savamment calculé et action débridée. Les dialogues lourds de sens (lorsque Davis évoque le sort que les comanches réservent aux femmes à Virginia Mayo), la menace désincarnée des comanches (des silhouettes éloignées et inquiétantes ou de simple visages haineux) et la brutalité des morceaux de bravoure suffisent à distiller un suspense qui ne se relâchera jamais. Les explosions de violences sont aussi efficaces qu'inventives (ces nombreux panoramiques accompagnant la trajectoire meurtrières des flèches comanches lors du siège final) et adoptant toujours le point de vue apeuré des personnages (ce semblant de caméra subjective lors de la scène où Davis guette à la ferme). Douglas sait également maintenir ce sentiment lors d'un instants plus calme, la caractérisation inquiétante de Brian Keith (sur le modèle du Lee Marvin de Sept hommes à abattre) fonctionnant avec une simple ligne de dialogue :

Gar (Clint Walker) : « Tu continues à tuer ? »
Clett (Brian Keith) : « Je suis toujours vivant ! »

La relation trouble entre Walker et Virginia Mayo contribue également à la richesse du récit. Le soupçon et la haine de Mayo ne s'exprimera jamais aussi fortement qu'après avoir ressenti une attirance coupable pour Davis. La révélation bouleversant leurs rapports se fait après un sauvetage héroïque de celui-ci, dans un moment le montrant au sommet de sa virilité (Walker imposant et torse nue, habitude prise sur la série tv Cheyenne qui l'a fait connaître) et après qu'elle ait compris qu'il l'avait vu nue. La haine et le refus de laisser le bénéfice du doute à Davis se conjugue certainement ainsi au refoulement d'un désir inattendu. L'écriture habile de Burt Kennedy n'empêche donc pas un traitement intéressant tout en nous offrant une avalanche de péripéties et de rebondissements pour un spectacle alerte et captivant.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

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