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samedi 2 septembre 2017

Les Menottes rouges - Zeroka no onna: Akai wappa, Yukio Noda (1974)


Une jeune flic masochiste utilisant comme arme des menottes rouges redoutables fait tout pour retrouver la fille kidnappée d'un ministre.

Les Menottes rouges est un décalque assez évident du cultissime La Femme Scorpion de Shunya Ito (1972) sorti l’année précédente. Le film est initié par les mêmes producteurs et adapte à nouveau un manga de Tooru Shinohara. Les similitudes frappent tout au long du film, que ce soit Miki Sugimoto en héroïne taciturne et iconisée par son imperméable rouge, la chanson-titre composée par Shunsuke Kikuchi (compositeur de La Femme Scorpion) sonnant exactement comme le Urami Bushi chantée par Meiko Kaji dans La Femme Scorpion. Cependant Shunya Ito avait par son brio formel et thématique ainsi que grâce à sa charismatique interprète réussit à transcender le film d’exploitation pour livrer une vraie œuvre féministe et subversive. Héroïne malmenée, humiliée mais toujours vaillante se dressait de tout sa hargne face à une société japonaise machiste dans trois films brillants (puisque suivraient deux suites cruciales toujours dirigées par Shunya Ito  Elle s’appelait Scorpion (1973) et La Femme Scorpion : La Tanière de la bête (1974) puis la série se poursuivit sans le duo initial pour une moindre qualité).

Les Menottes rouges tout en arborant les mêmes contours est bien loin de cette profondeur et est simplement un film d’exploitation relativement efficace. Si La Femme Scorpion exploitait le sous genre du Women in Prison, ici nous avons droit à un vrai polar urbain avec notre héroïne Miki Sugimoto du bon côté de la loi. Comme d’habitude dans le pinku eiga l’exploitation putassière se dispute à la dimension féministe représentée par l’héroïne tenace. C’est plutôt l’aspect racoleur qui domine néanmoins, tous les prétextes étant bon pour dévoiler les formes sculpturales de Miki Sugimoto (sans Reiko Ike, son acolyte habituelle des films pinky). L’ouverture conjugue donc ces deux facettes, lorsque la policière feint d’être droguée par un diplomate violeur pour mieux radicalement le châtier. C’est l’occasion de découvrir sa botte secrète avec ces menottes rouges emblématiques, la même couleur que l’hémoglobine qui inonde bientôt les malfrats trop entreprenant, le violeur voyant ses ardeurs calmées par une balle dans l’entrejambe.

Autre point commun avec La Femme Scorpion, l’héroïne seule rempart d’un monde d’hommes prêt à soumettre les femmes, celle-ci étant également faibles et/ou corrompues. Miki Sugimoto remonte donc la piste de kidnappeurs ayant enlevés et violés la fille du futur premier ministre (Tetsuro Tamba). Les femmes ne sont ici qu’outil ou entrave à l’ambition (le chef de la police espérant une promotion avec l’affaire, le politicien prêt à sacrifier sa propre fille pour sa carrière, les kidnappeurs et le montant de la rançon qu’ils réclament) ou source de plaisir non consentant pour l’essentiel. Cette monstruosité des figures masculines s’expriment ainsi dans le froid calcul chez les puissants (Tetsuro Tamba parfait) et la barbarie dégénérée au sein de la plèbe représentée par les kidnappeurs – avec en point d’orgue ce meurtre fratricide brutal. Si dans La Femme Scorpion l’intrigue révèle un vrai motif de vengeance pour Sasori traie par son fiancé, Miki Sugimoto est bien plus insaisissable ici. La moue boudeuse et le visage opaque quels que soient les outrages subis, c’est un ange de la mort attendant patiemment son heure pour délivrer son châtiment.

Le sort fait aux femmes répond de cette dualité entre cinéma d’exploitation et féminisme musclé. Le viol et l’enlèvement de la fille du ministre est ainsi particulièrement sordide alors qu’à l’inverse quand Miki Sugimoto subira le même sort la réalisation en fait un véritable rituel SM et bondage (attendu par le spectateur vu le passif filmique de l’actrice) où l’on s’éloigne du réel avec ces éclairages baroques et la fétichisation du corps de l’actrice. Formellement Yukio Noda s’éloignement beaucoup du style pop tapageur et opératique de Shunya Ito. Noda s’est fait connaître par ses films de yakuzas et ses nombreuses collaborations avec Sonny Chiba (dont une adaptation du manga Golgo 13). Donc le résultat est ici nettement plus heurté (montage nerveux, caméra à l’épaule, panoramiques frénétique), un polar urbain (qui rappellera les outrances de son pendant italien de l’époque) tout en excès qui trouve son point d’orgue dans une poursuite et un gunfight final sanglant où justice est faites. Donc un pinku d’exploitation plutôt bien mené, mais pour l’intensité et la profondeur thématique on préférera revenir encore et toujours à La Femme Scorpion

 Sorti en dvd zone 2 français chez HK Vidéo

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