Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

vendredi 26 janvier 2018

The Unsuspected - Michael Curtiz (1947)

La secrétaire de Victor Grandison, animateur d'une série criminelle à la radio, est retrouvée pendue dans la maison de son patron. Le fiancé de celle-ci, policier de son état, est revenu de la Guerre et suspecte Grandison d'avoir maquillé un meurtre en suicide. Sous une fausse identité, il essaye de confondre le vrai coupable en s'introduisant dans son intimité.

The Unsuspected est un film noir que Michael Curtiz signe alors que le genre est à son apogée. En adaptant le roman éponyme de Charlotte Armstrong, Michael Curtiz se singularise en troquant les bas-fonds urbains habituels du genre pour la haute société. Le réalisateur est ainsi contemporain du Laura (1944) d'Otto Preminger où le mal était également tapis chez les nantis, tout en ayant une approche façon murder mystery (sous-genre abrdé par Curiz dans Le Mystère de la chambre close (1933) par son crime insoluble initial et l'aspect ludique de ses rebondissements et personnages extravagants. Le film anticipe aussi les thématiques de La Corde d'Alfred Hitchcock ou de Compulsion de Richard Fleischer à travers le sentiment de supériorité du criminel aristocrate sûr de son intelligence et en quête du meurtre "parfait". Il s'agit ici de Victor Grandison (Claude Rains) narrateur radiophonique hors-pairs des meurtres les plus sordides, une science qui lui permettra justement de signer ce crime parfait. L'acte tient à la fois (comme dans les films d'Hitchcock et Fleischer) de la beauté du geste que d'un motif plus intéressé qui se révèlera au fil de l'intrigue tortueuse.

Claude Rains est parfait de charisme et de distance froide, sa nature attentionnée dissimulant toujours le calcul. Michael Curtiz n'avait pas une grande estime pour le roman de Charlotte Armstrong et pose de manière fort désinvolte la situation et les personnages. La caractérisation solide de Grandison s'oppose ainsi à la nature excentrique de sa nièce Althea (Audrey Totter), à la façon déroutante dont ressurgit l'innocente Matilda (Joan Caulfield, Curtiz voulait Joan Fontaine et cela se ressent dans la frayeur écarquillée constante du personnage très vulnérable), au rôle mystérieux de l'intrus Steven Howard (Ted North) sans parler de l'acceptation presque insouciante de tous de l'accumulation de morts suspectes autour d'eux. Le récit est donc un peu lâche tout en restant très ludique mais c'est vraiment par sa mise en scène que Curtiz donne toute son ampleur au film.

Cette idée d'une aristocratie capable de meurtres élaborés sans être inquiétés en contrepoint d'une plèbe suivant ses pulsions de façon irréfléchie fonctionne dans une des scènes les plus brillantes. Grandison au micro de son émission dépeint un meurtre sordide avec panache tandis que la caméra s'éloigne du studio pour suivre sa voix qui captive la population à travers leur poste de radio à travers un paysage urbain symbolisant le monde des "inférieurs". Soudain la caméra s'engouffre dans une chambre de motel sinistre où le vrai auteur du crime (soumis à un chantage par Grandison) écoute tremblant le récit de son acte sur les ondes. Le clou de cette dichotomie entre sang-froid du nanti et culpabilité du pauvre arrive lorsque l'homme voit le mot KILL se former à travers les néons de l'hôtel à travers sa fenêtre sous un décor pluvieux.

L'autre moment marquant est la scène d'ouverture les effets stylisés du film noir dans un environnement luxueux décuple l'angoisse et façonne une atmosphère gothique. L'ombre gigantesque du tueur surplombant la malheureuse victime donne un effet saisissant, Curtiz enfonçant le clou du macabre avec après l'ellipse du meurtre la silhouette de la jeune femme pendue bien visible. L'intrigue plutôt grossière (même si l'on ressent que c'était sans doute plus élaboré dans le roman) est donc transcendée par les idées inventives (les enregistrements de Claude Rains, sa manière de piéger tout le monde et d'élaborer ses meurtres sophistiqués) et les morceaux de bravoure filmique constant de Curtiz dont un final théâtral et grandiloquent du plus bel effet.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

2 commentaires:

  1. Beh non. Le roman n'est pas si élaboré. Le film, formellement, lui est infiniment supérieur. Et justement, ses faiblesses scénaristiques, il les doit à un livre écrit sans rigueur, où les manques sont masqués par des rebondissements grossiers (hélas, le film en suit la majorité)
    Autre génial moment de pure mise en scène: le plan du meurtre avec le disque qui tourne.
    On ne dira jamais assez combien Michael Curtiz est grand. A mille lieues au-dessus du rôle de "bon petit artisan" dans lequel on le fige depuis des décennies.
    Avec un script plus "tenu" ou plus épuré, ce film aurait pu être chef-d'oeuvre.
    Mais, des fois, Charlotte Armstrong, elle pète les plombs (et la plume).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas lu le roman je lançai vraiment la question au conditionnel merci de la précision ;-) Donc le boulot de Curtiz est d'autant plus à saluer vu qu'il transcende les scories du matériau de base.

      Supprimer