Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 6 avril 2013

L'écureuil Rouge - La ardilla roja, Julio Medem (1993)


Au moment où Jota s'apprête à se suicider en se jetant à la mer d'un parapet élevé, une moto s'écrase devant lui. Il porte secours au conducteur et s'aperçoit en soulevant le casque du motard qu'il s'agit d'une jeune fille qui elle ne se souvient de rien et ignore même jusqu'à la couleur de ses yeux.

Deuxième film de Julio Medem après l'inaugural Vacas (1991) qui lui valut un succès immédiat ( Goya du Meilleur jeune réalisateur), Julio Medem confirmait les espoirs suscités avec L'écureuil Rouge. On retrouve ici dans une patine plus austère tous les éléments qui feront la flamboyance des grandes réussites à venir. Il y a notamment le gout du réalisateur pour le pitch imprévisible avec cette ouverture saisissante. Jota (Nancho Novo ) arpente une rambarde désespéré et hésitant, cherchant le courage de mettre fin à ses jours.

Ses atermoiements sont interrompus par une moto arrivant à vive allure qui s'y empale et le pilote de faire une terrible chute de plusieurs mètres. Interrompant ses velléités suicidaires pour voler à son secours, Jota ne va pas découvrir un mais une charmante motarde devenue amnésique dans sa chute. Notre héros se livre alors à un jeu dangereux, se faire passer pour le petit ami de la jeune femme (la belle Emma Suarez, actrice fétiche des trois premiers films de Medem) qu'il renomme Lisa et avec qui il va cohabiter à sa sortie tout en espérant qu'elle ne retrouve pas la mémoire et son mensonge.

Medem instaure ainsi un curieux entre-deux avec l'intimité d'un couple supposé déjà établi mais avec les charmantes hésitations et le côté suranné de la romance naissante. Comme dans nombre de ses films (l'exception étant la chambre exigüe de Room in Rome) c'est dans les grands espaces naturels que les personnages devront faire face à leurs tourments intérieurs. Cela annonce grandement Lucia et le Sexe où ce camping entouré de paysages superbe est un refuge de l'oubli (alors que dans Les Amants du Cercle Polaire ce sera aussi un lieu de l'attente), de l'introspection où l'on peut renaître différent.

Pour Jota, ce sera les raisons de ce comportement avec un amour déçu raison de la tentative de suicide d'ouverture et dont il reportera la passion sur sa belle amnésique. On a ainsi de belles envolées sentimentales en flashback mais Medem se montre moins subtil que dans ses films futurs pour instaurer des analogies entre passé et présent (Jota musicien nomme la fiancée Lisa d'après une chanson de son groupe qu'il dédia à sa petite amie et le film multiplie les scène de jukebox avec insert sur le disque, le morceau revenant à intervalle régulier dans la bande-son).

Le plus intéressant réside dans le passé bien plus trouble de Lisa et l'ambiguïté habilement entretenu par Medem sur son amnésie plus ou moins consciente mais surtout moyen de fuir ce passé justement. L'art du récit en puzzle et les quelques fragments d'indices disséminés tout au long de l'intrigue peuvent laisser deviner certains éléments mais il se repose avant tout sur ses envolées oniriques (les rêveries éveillées de Lisa, la scène d'hypnose) et son art du rebondissement inattendus avec ce fantôme du passé qui surgit de manière surprenante à la fin.

Emma Suarez, passionnée, sensuelle, charnelle est typique des personnages féminins et à fleur de peau de Medem. Elle est ici magnifique autant dans le registre candide et innocent que plus trouble et torride quand son ancienne personnalité ressurgit progressivement. Le ténébreux Nancho Novo offre un pendant plus retenu à la volcanique Lisa tout en étant tout aussi fragile et attachant.

Medem use du même motif pour tisser la romance entre eux mais aussi le danger, la découverte du passé de chacun offrant de belles surprises (les réflexes prodigieux de Jota, la scène où il fait de la moto et pour Lisa ses aptitudes de nageuses) mais aussi des désagréments avec cette relation reposant sur le mensonge.

A l'inverse le couple bien établi et voisins de nos héros offre une lassitude et une résignation montrant tout l'intérêt de cette fausse redécouverte et vraie romance d'où surgit la sincérité. Mais si c'est ce mensonge qui a lié leur destin, ce n'est pas de lui que sont nés les sentiments et la conclusion où les masques tombent évite avec brio tout semblant d'explications inutiles entre les deux amants qui peuvent enfin s'embrasser librement, totalement eux même.

Sorti en dvd zone 2 français chez Albarès dans leur Collection Latine

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